De son vrai nom Sylvain
Dah Singbè, il s’est révélé aux Béninois à travers son pseudonyme "Sèwlan
Aziza". Originaire de "Ouémè Hêtin", département de l’Ouémé, il
est le lauréat de l’édition 2016 du Concours national du vainqueur des artistes
du Bénin (Conavab 2016). Rencontré à Houèdo, son lieu de résidence sis dans la
commune d’Abomey-Calavi, l’artiste s’est
confié à nous. Et dans une interview exclusive que nous avons réalisée en
langue "fongbé". Une contrainte liée au niveau d’études modeste de
cet artiste pourtant pétri de talents. De sa vie de galère, ses déboires en
passant par sa jeune et riche carrière artistique, tout est dévoilé. Que de
révélations ! Lisez plutôt.
L’Evénement
Précis : Pourriez-vous nous faire l’historique de
votre nom d’artiste Sèwlan Aziza ?
Sèwlan Aziza : Tout à fait. Je voudrais tout
simplement faire comprendre que ce que Dieu programme sur la vie de chacun, devra s’accomplir. Et personne ne peut le
déprogrammer. Je le dis parce que moi, aucun de mes parents ne sait chanter
pour que je puisse dire que j’ai hérité l’art de chanter d’eux. C’est pourquoi
je me suis dit que chanter pour moi, c’est un don de Dieu. Depuis mon enfance,
je m’amusais à chanter avec mes amis. Mais je ne pourrai pas dire qu’à l’époque
déjà, j’étais un chanteur. C’était un jeu d’enfant et je n’ai jamais imaginé
que je deviendrais un artiste-chanteur connu au plan national. Jusqu’à ce jour,
cela continue de m’étonner et je le prends comme une œuvre divine.
Avez-vous une idée de
l’année à laquelle vous êtes entré pour la première fois en studio en tant
qu’artiste ?
Je suis entré en studio en tant qu’artiste pour la première
fois en 2007. La première chanson que j’avais composée à l’époque était
consacrée aux artistes défunts. Cette chanson
qui était un hommage rendu aux artistes décédés a été inscrite sur mon
tout premier album.
(Il entonne cette
chanson d’hommage empreinte d’émotions et qui fait le point des artistes
décédés dans le temps avant de
poursuivre l’entretien) : C’était un single que j’ai finalement mis sur mon premier
album baptisé "Noumèguinta". Une chanson dédiée aux femmes et qui, en
résumé, renseigne sur le fait que pour avoir l’amour d’une femme, il faut
également savoir mentir.
(Il entonne également
cette chanson très connue des Béninois) : Cette chanson a été composée en 2007
et j’ai lancé l’album en 2008. Il y avait six chansons sur cet album.
Sur ce morceau
précisément, vous avez fait l’apologie du mensonge pour conquérir le cœur de la
femme. Est-ce un vécu personnel ou juste une inspiration ?
(Il éclate de rire et
redevient serein après environ cinq minutes) : Non, pas tout à fait. Moi-même, ça
m’étonne que j’aie des inspirations comme celles-là. Car, mes chansons portent
sur des sujets qui ne nécessitent plus beaucoup d’explications. Etant donné
qu’il s’agit des faits de société vécus par chacun de nous. Cette chanson par
exemple , est une vérité que nous vivons tous les jours. Pour courtiser et
avoir l’amour d’une femme aujourd’hui, tout le monde sait qu’il faut mentir un
peu. Sinon, les femmes ne se sentent pas accrochées. Qu’elles m’en excusent.
Figurez-vous que je suis un ferrailleur de formation. C’était mon métier
principal. Etes-vous sûr qu’une femme que je courtise, au même moment qu’un
fonctionnaire bien à l’aise, peut m’accepter au détriment de l’autre ? Il
a fallu qu’à l’époque, je fasse un peu le "noumèguinta" comme le dit
la chanson pour qu’elle m’accepte. Sans
cette dose de "mensonge charmeur", elle allait sans réfléchir,
choisir le fonctionnaire. C’est en réfléchissant à cette expérience personnelle
et les vécus quotidiens dans la société que j’ai eu cette inspiration.
Quelles ont été les
retombées de l’album
"Noumèguinta" que vous avez lancé en 2008 ?
Je pus vous garantir que la seule chose que j’ai gagnée dans
cet album, c’est ma promotion. Grâce à
cet album, j’ai été révélé au public et les Béninois m’ont découvert et adopté.
A part ça, rien d’autre.
Voulez-vous dire que
cet album très connu des Béninois n’est pas bien vendu ?
(Il baisse la tête un
moment, devient pensif, respire profondément et répond) : Je vous avoue que j’ai le pincement
au cœur quand je me rappelle encore les déboires que j’ai connus sur cet album.
Mais je bénis Dieu pour tout ce qu’il a fini par me faire pour rétablir ma vie
et ma carrière. Pour dire la vérité, j’ai trainé une énorme dette après la sortie de cet album. Je n’ai pu rien
réaliser avec le lancement de cet album "Noumèguinta".
Parlez-nous-en alors
Ok. Vous voyez, quand vous n’avez personne derrière vous qui
puisse vous soutenir et vous pousser à aller de l’avant, vous ne pouvez rien
faire. Avant de réaliser cet album, il a fallu que la journée, j’aille
faire de la ferraille pour pouvoir
trouver de l’argent et aller me faire enregistrer en studio, la nuit. Après
l’enregistrement de toutes les chansons, j’ai été obligé de faire des prêts
pour le sortir. Après avoir remboursé les dettes après le lancement, j’ai pu
m’acheter une moto "Dayang". Sans avoir roulé cette moto pendant six
mois, j’ai été braqué et la moto a été emportée par les malfrats à hauteur du
Gazoduc de Maria Gléta alors que je rentrais à la maison. Je suis alors revenu
à zéro. Dans le souci de relancer l’album, j’ai été encore faire un prêt
générateur d’intérêts faramineux pour pouvoir réaliser les clips. Mais là
encore, le malheur m’a encore poursuivi.
Après le tournage des clips, lorsque le monteur faisait le montage, il y avait
eu coupure. Et là, c’est la totale. Le disque dur de l’ordinateur s’est grillé
et tous les clips ont été détruits. J’ai dû faire l’impossible pour pouvoir
rembourser le prêt et les intérêts.
Comme je ne suis pas du genre à m’avouer vaincu aussi
facilement, j’ai fait encore un autre prêt pour tourner une seconde fois les
clips. Mais malheureusement encore, après le lancement, j’ai dû rembourser des
dettes avec ce que j’ai pu gagner. Vous comprenez
donc mon émotion quand je parle de cet album.
Mais avec les prières et mon endurance, j’ai poursuivi ce
combat. Aujourd’hui, je peux dire que Dieu est en train de me rétablir.
Après ces péripéties,
vous avez sorti un second album baptisé "Houandjassougbègbé" (Une
femme tentée par le divorce). Cet album a été lancé le 30 novembre 2014 à la
Mairie d’Abomey-Calavi. Parlez-nous des coulisses de cet album.
L’histoire de cet album est palpitante. Et j’ai découvert que
Dieu, avant de t’élever, te laisse d’abord souffrir pour mesurer ton endurance
et ton courage. Sinon, cet album, je l’ai déjà totalement réalisé avec six
titres et j’ai entamé les démarches pour son lancement. Le morceau phare était
"Houandjassougbègbé". Dans les courses liées aux dépenses du
lancement, je devrais rencontrer un de mes soutiens qui s’appelle Dah Agossa
Thierry qui a son service à Houéyiho (un quartier de la ville de Cotonou). A
l’époque, j’étais dans la vraie galère. Il m’avait demandé de venir le
rencontrer entre 18 heures et 19 heures
à son service. Un peu avant 19 heures, j’ai pris le chemin pour répondre à ce
rendez-vous. J’avais une vieille moto
Dream ancien modèle. Pour prendre le chemin, je n’avais dans ma poche, en tout
que 200 Francs CFA. De Calavi à IITA-Carrefour, la moto a eu de crevaison. Je
l’ai trainée vers le vulcanisateur pour qu’il me la répare. Il sonnait déjà
18heures 30 minutes. Je pressais l’apprenti vulcanisateur pour vite répondre au
rendez-vous, parce que j’espérais pouvoir obtenir de l’argent chez lui. Quand
il a démonté le pneu, il m’a fait comprendre que vu l’étendue de la crevaison,
il lui faut 400 Francs avant de réparer. Voilà que moi, je n’avais que 200
Francs dans ma poche. Je l’ai supplié de le faire à 300 Francs alors que je
n’avais que 200 Francs CFA dans ma poche. C’est
ainsi que j’ai commencé par demander au bord de la rue, une pièce de 100 Francs
aux passants. Sur cinq personnes sollicitées, aucune ne me l’a donnée. Je
suis allé vers les Suntrev qui montent la garde devant la pharmacie Carrefour
IITA pour leur demander. Tous m’ont dit qu’ils n’en ont pas. C’est alors que je
me suis dit qu’il me faut maintenant aller vers les policiers qui régulent la
circulation au niveau du carrefour pour le leur demander. C’est ainsi que j’ai expliqué la situation à un des policiers
et lui ai demandé de me donner 100Francs. Lui, il m’a regardé bizarrement, me
prenant pour un paresseux et délinquant, m’a opposé un refus catégorique. C’est
ainsi que, me voyant très malheureux, j’ai eu pourtant le courage de lui
dire : « Merci chef. Mais grâce à mon Dieu, demain, je pourrai passer
par ici et vous donner des choses dont la valeur dépasse les 100 Francs que je
viens de vous demander ». C’est là qu’étonné, il m’a demandé ce que je
pouvais lui donner. Et je lui ai répondu qu’un de mes CD dépasse déjà 100
Francs. C’est là qu’il m’a demandé si j’étais un artiste. Avant même de lui
répondre, il m’a regardé une fois avec attention et m’a dit : « Ce
n’est pas vous l’artiste Sèwlan » ? Je lui ai répondu par l’affirmative.
C’est ainsi qu’il m’a pris dans ses bras et m’a dit qu’il cherchait depuis à me
voir depuis deux ans. Il m’a rappelé une soirée que j’ai animée à Gbodjè à un
de ses chefs hiérarchiques et m’a fait comprendre que c’est depuis cette époque
qu’il cherchait à me rencontrer. Après quelques minutes de discussions
conviviales, il m’a remis 1000 Francs et m’a demandé d’aller d’abord régler le
vulcanisateur avant de revenir pour qu’on poursuive les discussions. Ce que
j’ai fait. Il sonnait déjà environ 20 heures. Ce qui veut dire que mon
rendez-vous est complètement loupé. Je suis revenu vers lui après avoir payé le
vulcanisateur et on a sympathisé comme ça. Je me suis alors retourné à la
maison. Sur le chemin de retour, j’ai commencé par réfléchir sur la situation
que je venais de vivre. Je me suis dit que si, imbu de mon titre d’artiste, je
me suis refusé d’aller quémander les 100 Francs, est-ce que je pouvais sortir de cette
situation à laquelle j’étais confronté jusqu’à avoir la sympathie de ce
policier qui s’appelle Chef Atrokpo ? C’est de-là que m’est venu
l’inspiration de ma chanson "Agbèhwidé zéhwé" (qui parle des vertus
de l’humilité). Le lendemain, je suis allé au studio pour l’enregistrer et l’intégrer à l’album.
Il s’agit là d’une
chanson très aimée des Béninois qui est sur votre deuxième album. Pourriez-vous
nous dire la date précise à laquelle vous avez vécu cette situation qui a fini
par vous inspirer ?
Non, je ne m’en souviens plus précisément. Mais c’était dans
le mois de novembre où je m’apprêtais à faire le lancement du 2ème
album.
Avez-vous pu faire du profit avec cet album très
apprécié des Béninois et des mélomanes ?
Je peux dire ici que je n’ai pas fait du profit en tant que
tel. Mais je n’ai pas roulé à perte non plus comme le premier. Parce que j’ai
pu régler toutes les dépenses liées au lancement cette fois-ci. Et là où cet
album m’a réellement profité, c’est les divers spectacles sur lesquels je suis
sollicité. Et pour ça, je remercie Dieu et les Béninois. J’avoue que les gens
ont vraiment acheté cet album et je leur suis vraiment reconnaissant.
Préparez-vous déjà le
troisième album ?
Je le cuisine déjà. C’est d’ailleurs presque prêt.
(Il entonne un morceau
phare de ce nouvel album qui parait encore très prometteur. Une chanson qui se
révèle comme un véritable dopage pour tous ceux qui continuent de se battre
malgré les embûches dressées sur leur
chemin par les détracteurs).
Le titre de cet album est intitulé "Hla
yangbodogbé" (la panthère a chassé
le mouton hors du bois).
Quelle est l’histoire
de cette chanson ?
Vous voyez ? Le morceau "agbèhwidé zéhwé" a
fait l’objet de toutes les polémiques. Des gens sont allés jusqu’à dire que je l’ai chanté
contre certaines personnes. C’est pour aider ceux-là à abandonner cette
façon de voir les choses que j’ai fait ce nouveau morceau. Au-delà de ça, ce
morceau s’adresse aussi à ceux qui m’en veulent maintenant parce que Sèwlan est
devenu populaire de par ses chansons. Je leur fais comprendre que quand je
trimais avec mon métier de ferrailleur, ils ne trouvaient rien à dire sur moi.
Je leur ai conseillé sur ce morceau afin qu’ils arrêtent de m’en vouloir et de
me jalouser. Car, moi, mon souci, c’est
comment faire pour que mon ne disparaisse point de ce bas monde. Je viens de
vous raconter l’histoire du morceau "agbèhwidé zéhwé". Qu’est-ce que
ça a à avoir avec toutes ces polémiques qui ont cours maintenant ? Je
pense que rien.
Il y en a même qui ont
dit que ce morceau "agbèhwidé zéhwé" était destiné à l’artiste GG
Lapino. Qu’en dites-vous ?
Le Béninois est comme
ça. Quand il sait que quelque-chose pouvait constituer pour toi du poison et te
tuer, il fera tout pour te le faire boire. Je n’ai jamais eu à rencontrer
Lapino si ce n’est pas lors du lancement de son dernier album pour lequel il
m’a invité par l’intermédiaire d’une autre personne, étant donné que lui-même
ne me connaissait pas. Et pourtant, on a raconté que j’ai chanté pour l’égratigner. C’était,
sur l’émission week-end matin de l’Ortb qu’on s’est rencontré pour la première
fois pour parler de son lancement. Et voilà ce qu’on raconte sur nous. C’est le
propre du Béninois.
Parlez-nous un peu de
votre troisième album en préparation
Cet album dont je viens de vous fredonner une des chansons,
sera constitué de plusieurs titres. Je ne saurais vous dire exactement le
nombre de titres maintenant, étant donné que cela n’est pas encore totalement
calé. Je prévois le lancer encore vers la fin du mois de novembre comme j’en ai
l’habitude . J’avais prévu le lancer pendant les vacances, mais faute de
moyens, je n’ai pas pu.
Vous avez décroché le
trophée du Concours national des vainqueurs des artistes du Bénin (Conavab
2016). Comment vous vous en êtes pris ?
Je dirai tout simplement que ça, c’est l’œuvre de Dieu. Je
saisis cette opportunité pour remercier du fond du cœur, les animateurs de
radio, les auditeurs et tout le public béninois qui ont beaucoup contribué à la
promotion de cet album qui a fini par me permettre de remporter ce prix. Tout l’honneur de ce prix leur revient.
Si vous vous trouviez
aujourd’hui devant Dieu qui vous demande de lui exprimer vos vœux chers afin qu’il vous aide à les réaliser, qu’allez- vous dire ?
Je lui demanderai deux choses. La première, c’est
l’intelligence et la deuxième chose, la longévité.
Si vous permettez, nous
allons nous intéresser un peu à votre vie privée. Il est de notoriété publique
que les artistes célèbres comme vous, ont facilement la sympathie des femmes.
Combien de femmes avez-vous ?
(Il écarquille les
yeux, se montre surpris et se mue dans un court silence et répond avec
sourire) : Ah,
si c’est femme, j’en ai plus de 18 déjà !
Ah bon ? Nous
parlons bien des femmes qui sont sous votre toit.
(Il rit pendant environ
deux minutes et prend enfin la question au sérieux) : Pour être plus sérieux, je dirai que
j’ai une femme et des enfants.
Etes-vous
polygame ?
(Il sourit encore et
répond sans trop de conviction) : Bon, j’ai une femme et trois enfants. Mais comme on
le dit, tant que nous vivons, nous devrions compter avec les imprévus de la
vie. Donc, je ne peux dire que je ne serai jamais polygame. Seulement qu’à
l’heure où nous parlons, j’ai une femme et trois enfants, deux filles et un
garçon.
Les artistes, dans les
rivalités, s’envoient des puissances occultes pour se nuire. En avez-vous reçu
quelques-unes ?
(Il sourit et répond) : Bon, moi, je ne connais pas
de gris-gris et je n’en fais pas. Si je le faisais, on pourrait me l’envoyer.
Donc je n’en reçois pas. Je ne connais que Dieu et c’est fini.
Et pourtant, vous avez
autant de bagues aux doigts ?
(Il rit longuement et
répond avec blague) : C’est vous qui voyez les bagues hein. Moi, je ne les vois pas mon frère.
Qu’avez-vous à dire
pour conclure cet entretien ?
J’ai remarqué que dans notre pays, il n’y a pas assez de soutiens
pour les artistes. Il y en a qui ont les moyens, mais qui ne commencent à les
dépenser que lorsque l’artiste est devenu célèbre. Et ceux-là, quand ils
viennent, souvent, c’est pour te demander de les citer dans ta chanson. Ce sont
de très mauvais comportements qu’il faut proscrire à mon avis. Je saisis votre
canal pour remercier mes soutiens comme monsieur Sylvain Médard Adjagboni,
Aladji Malèhossou, maman Juliette Gbaguidi et bien d’autres qui
soutiennent réellement les artistes sans
rien attendre d’eux.
Et je profite de l’occasion pour demander aux Béninois de
continuer de me soutenir comme ils le font déjà, parce que je veux aller très
loin. Je promets de ne jamais les décevoir. Mais ceux qui espèrent que je perce
mes oreilles, que je commence par faire de longs cheveux ou tresser mes cheveux
ou encore porter des habits bizarres pour jouer les stars seront déçus. Ce sont des choses que je
ne ferai jamais. Car, ce n’est pas ma nature. Je vous remercie.
Entretien réalisé par
Donatien GBAGUIDI
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