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vendredi 30 septembre 2016

Interview exclusive : "Sèwlan", de la galère à la gloire : les révélations de l'artiste



De son vrai nom Sylvain Dah Singbè, il s’est révélé aux Béninois à travers son pseudonyme "Sèwlan Aziza". Originaire de "Ouémè Hêtin", département de l’Ouémé, il est le lauréat de l’édition 2016 du Concours national du vainqueur des artistes du Bénin (Conavab 2016). Rencontré à Houèdo, son lieu de résidence sis dans la commune d’Abomey-Calavi,  l’artiste s’est confié à nous. Et dans une interview exclusive que nous avons réalisée en langue "fongbé". Une contrainte liée au niveau d’études modeste de cet artiste pourtant pétri de talents. De sa vie de galère, ses déboires en passant par sa jeune et riche carrière artistique, tout est dévoilé. Que de révélations ! Lisez plutôt.


L’Evénement Précis : Pourriez-vous nous faire l’historique de votre nom d’artiste Sèwlan Aziza ?
Sèwlan Aziza : Tout à fait. Je voudrais tout simplement faire comprendre que ce que Dieu programme sur la vie de chacun,  devra s’accomplir. Et personne ne peut le déprogrammer. Je le dis parce que moi, aucun de mes parents ne sait chanter pour que je puisse dire que j’ai hérité l’art de chanter d’eux. C’est pourquoi je me suis dit que chanter pour moi, c’est un don de Dieu. Depuis mon enfance, je m’amusais à chanter avec mes amis. Mais je ne pourrai pas dire qu’à l’époque déjà, j’étais un chanteur. C’était un jeu d’enfant et je n’ai jamais imaginé que je deviendrais un artiste-chanteur connu au plan national. Jusqu’à ce jour, cela continue de m’étonner et je le prends comme une œuvre divine.

Avez-vous une idée de l’année à laquelle vous êtes entré pour la première fois en studio en tant qu’artiste ?
Je suis entré en studio en tant qu’artiste pour la première fois en 2007. La première chanson que j’avais composée à l’époque était consacrée aux artistes défunts. Cette chanson  qui était un hommage rendu aux artistes décédés a été inscrite sur mon tout premier album.
(Il entonne cette chanson d’hommage empreinte d’émotions et qui fait le point des artistes décédés dans le temps  avant de poursuivre l’entretien) : C’était un single que j’ai finalement mis sur mon premier album baptisé "Noumèguinta". Une chanson dédiée aux femmes et qui, en résumé, renseigne sur le fait que pour avoir l’amour d’une femme, il faut également savoir mentir.
(Il entonne également cette chanson très connue des Béninois) : Cette chanson a été composée en 2007 et j’ai lancé l’album en 2008. Il y avait six chansons sur cet album.

Sur ce morceau précisément, vous avez fait l’apologie du mensonge pour conquérir le cœur de la femme. Est-ce un vécu personnel ou juste une inspiration ?
(Il éclate de rire et redevient serein après environ cinq minutes) : Non, pas tout à fait. Moi-même, ça m’étonne que j’aie des inspirations comme celles-là. Car, mes chansons portent sur des sujets qui ne nécessitent plus beaucoup d’explications. Etant donné qu’il s’agit des faits de société vécus par chacun de nous. Cette chanson par exemple , est une vérité que nous vivons tous les jours. Pour courtiser et avoir l’amour d’une femme aujourd’hui, tout le monde sait qu’il faut mentir un peu. Sinon, les femmes ne se sentent pas accrochées. Qu’elles m’en excusent. Figurez-vous que je suis un ferrailleur de formation. C’était mon métier principal. Etes-vous sûr qu’une femme que je courtise, au même moment qu’un fonctionnaire bien à l’aise, peut m’accepter au détriment de l’autre ? Il a fallu qu’à l’époque, je fasse un peu le "noumèguinta" comme le dit la chanson pour qu’elle m’accepte.  Sans cette dose de  "mensonge charmeur", elle allait sans réfléchir, choisir le fonctionnaire. C’est en réfléchissant à cette expérience personnelle et les vécus quotidiens dans la société que j’ai eu cette inspiration.

Quelles ont été les retombées de  l’album "Noumèguinta" que vous avez lancé en 2008 ?
Je pus vous garantir que la seule chose que j’ai gagnée dans cet album, c’est ma promotion.  Grâce à cet album, j’ai été révélé au public et les Béninois m’ont découvert et adopté. A part ça, rien d’autre.
Voulez-vous dire que cet album très connu des Béninois n’est pas bien vendu ?
(Il baisse la tête un moment, devient pensif, respire profondément et répond) : Je vous avoue que j’ai le pincement au cœur quand je me rappelle encore les déboires que j’ai connus sur cet album. Mais je bénis Dieu pour tout ce qu’il a fini par me faire pour rétablir ma vie et ma carrière. Pour dire la vérité, j’ai trainé une énorme dette  après la sortie de cet album. Je n’ai pu rien réaliser avec le lancement de cet album "Noumèguinta".
Parlez-nous-en alors
Ok. Vous voyez, quand vous n’avez personne derrière vous qui puisse vous soutenir et vous pousser à aller de l’avant, vous ne pouvez rien faire. Avant de réaliser cet album, il a fallu que la journée, j’aille faire  de la ferraille pour pouvoir trouver de l’argent et aller me faire enregistrer en studio, la nuit. Après l’enregistrement de toutes les chansons, j’ai été obligé de faire des prêts pour le sortir. Après avoir remboursé les dettes après le lancement, j’ai pu m’acheter une moto "Dayang". Sans avoir roulé cette moto pendant six mois, j’ai été braqué et la moto a été emportée par les malfrats à hauteur du Gazoduc de Maria Gléta alors que je rentrais à la maison. Je suis alors revenu à zéro. Dans le souci de relancer l’album, j’ai été encore faire un prêt générateur d’intérêts faramineux pour pouvoir réaliser les clips. Mais là encore, le malheur  m’a encore poursuivi. Après le tournage des clips, lorsque le monteur faisait le montage, il y avait eu coupure. Et là, c’est la totale. Le disque dur de l’ordinateur s’est grillé et tous les clips ont été détruits. J’ai dû faire l’impossible pour pouvoir rembourser le prêt et les intérêts.
Comme je ne suis pas du genre à m’avouer vaincu aussi facilement, j’ai fait encore un autre prêt pour tourner une seconde fois les clips. Mais malheureusement encore, après le lancement, j’ai dû rembourser des dettes avec ce que j’ai pu gagner.  Vous comprenez donc mon émotion quand je parle de cet album.
Mais avec les prières et mon endurance, j’ai poursuivi ce combat. Aujourd’hui, je peux dire que Dieu est en train de me rétablir.

Après ces péripéties, vous avez sorti un second album baptisé "Houandjassougbègbé" (Une femme tentée par le divorce). Cet album a été lancé le 30 novembre 2014 à la Mairie d’Abomey-Calavi. Parlez-nous des coulisses de cet album.
L’histoire de cet album est palpitante. Et j’ai découvert que Dieu, avant de t’élever, te laisse d’abord souffrir pour mesurer ton endurance et ton courage. Sinon, cet album, je l’ai déjà totalement réalisé avec six titres et j’ai entamé les démarches pour son lancement. Le morceau phare était "Houandjassougbègbé". Dans les courses liées aux dépenses du lancement, je devrais rencontrer un de mes soutiens qui s’appelle Dah Agossa Thierry qui a son service à Houéyiho (un quartier de la ville de Cotonou). A l’époque, j’étais dans la vraie galère. Il m’avait demandé de venir le rencontrer entre  18 heures et 19 heures à son service. Un peu avant 19 heures, j’ai pris le chemin pour répondre à ce rendez-vous. J’avais une  vieille moto Dream ancien modèle. Pour prendre le chemin, je n’avais dans ma poche, en tout que 200 Francs CFA. De Calavi à IITA-Carrefour, la moto a eu de crevaison. Je l’ai trainée vers le vulcanisateur pour qu’il me la répare. Il sonnait déjà 18heures 30 minutes. Je pressais l’apprenti vulcanisateur pour vite répondre au rendez-vous, parce que j’espérais pouvoir obtenir de l’argent chez lui. Quand il a démonté le pneu, il m’a fait comprendre que vu l’étendue de la crevaison, il lui faut 400 Francs avant de réparer. Voilà que moi, je n’avais que 200 Francs dans ma poche. Je l’ai supplié de le faire à 300 Francs alors que je n’avais que 200 Francs CFA dans ma poche. C’est ainsi que j’ai commencé par demander au bord de la rue, une pièce de 100 Francs aux passants. Sur cinq personnes sollicitées, aucune ne me l’a donnée. Je suis allé vers les Suntrev qui montent la garde devant la pharmacie Carrefour IITA pour leur demander. Tous m’ont dit qu’ils n’en ont pas. C’est alors que je me suis dit qu’il me faut maintenant aller vers les policiers qui régulent la circulation au niveau du carrefour pour le leur demander.  C’est ainsi que  j’ai expliqué la situation à un des policiers et lui ai demandé de me donner 100Francs. Lui, il m’a regardé bizarrement, me prenant pour un paresseux et délinquant, m’a opposé un refus catégorique. C’est ainsi que, me voyant très malheureux, j’ai eu pourtant le courage de lui dire : « Merci chef. Mais grâce à mon Dieu, demain, je pourrai passer par ici et vous donner des choses dont la valeur dépasse les 100 Francs que je viens de vous demander ». C’est là qu’étonné, il m’a demandé ce que je pouvais lui donner. Et je lui ai répondu qu’un de mes CD dépasse déjà 100 Francs. C’est là qu’il m’a demandé si j’étais un artiste. Avant même de lui répondre, il m’a regardé une fois avec attention et m’a dit : « Ce n’est pas vous l’artiste Sèwlan » ? Je lui ai répondu par l’affirmative. C’est ainsi qu’il m’a pris dans ses bras et m’a dit qu’il cherchait depuis à me voir depuis deux ans. Il m’a rappelé une soirée que j’ai animée à Gbodjè à un de ses chefs hiérarchiques et m’a fait comprendre que c’est depuis cette époque qu’il cherchait à me rencontrer. Après quelques minutes de discussions conviviales, il m’a remis 1000 Francs et m’a demandé d’aller d’abord régler le vulcanisateur avant de revenir pour qu’on poursuive les discussions. Ce que j’ai fait. Il sonnait déjà environ 20 heures. Ce qui veut dire que mon rendez-vous est complètement loupé. Je suis revenu vers lui après avoir payé le vulcanisateur et on a sympathisé comme ça. Je me suis alors retourné à la maison. Sur le chemin de retour, j’ai commencé par réfléchir sur la situation que je venais de vivre. Je me suis dit que si, imbu de mon titre d’artiste, je me suis refusé d’aller quémander les 100 Francs,  est-ce que je pouvais sortir de cette situation à laquelle j’étais confronté jusqu’à avoir la sympathie de ce policier  qui s’appelle Chef Atrokpo ? C’est de-là que m’est venu l’inspiration de ma chanson "Agbèhwidé zéhwé" (qui parle des vertus de l’humilité). Le lendemain, je suis allé au studio pour l’enregistrer et  l’intégrer à l’album.

Il s’agit là d’une chanson très aimée des Béninois qui est sur votre deuxième album. Pourriez-vous nous dire la date précise à laquelle vous avez vécu cette situation qui a fini par vous inspirer ?
Non, je ne m’en souviens plus précisément. Mais c’était dans le mois de novembre où je m’apprêtais à faire le lancement du 2ème album.

Avez-vous pu  faire du profit avec cet album  très apprécié des Béninois et des mélomanes ?
Je peux dire ici que je n’ai pas fait du profit en tant que tel. Mais je n’ai pas roulé à perte non plus comme le premier. Parce que j’ai pu régler toutes les dépenses liées au lancement cette fois-ci. Et là où cet album m’a réellement profité, c’est les divers spectacles sur lesquels je suis sollicité. Et pour ça, je remercie Dieu et les Béninois. J’avoue que les gens ont vraiment acheté cet album et je leur suis vraiment reconnaissant.

Préparez-vous déjà le troisième album ?
Je le cuisine déjà. C’est d’ailleurs presque prêt.
(Il entonne un morceau phare de ce nouvel album qui parait encore très prometteur. Une chanson qui se révèle comme un véritable dopage pour tous ceux qui continuent de se battre malgré les  embûches dressées sur leur chemin par les détracteurs).
Le titre de cet album est intitulé "Hla yangbodogbé" (la panthère a chassé le mouton hors du bois).

Quelle est l’histoire de cette chanson ?
Vous voyez ? Le morceau "agbèhwidé zéhwé" a fait l’objet de toutes les polémiques. Des gens  sont allés jusqu’à dire que je l’ai chanté contre certaines personnes.   C’est pour aider ceux-là à abandonner cette façon de voir les choses que j’ai fait ce nouveau morceau. Au-delà de ça, ce morceau s’adresse aussi à ceux qui m’en veulent maintenant parce que Sèwlan est devenu populaire de par ses chansons. Je leur fais comprendre que quand je trimais avec mon métier de ferrailleur, ils ne trouvaient rien à dire sur moi. Je leur ai conseillé sur ce morceau afin qu’ils arrêtent de m’en vouloir et de me jalouser.  Car, moi, mon souci, c’est comment faire pour que mon ne disparaisse point de ce bas monde. Je viens de vous raconter l’histoire du morceau "agbèhwidé zéhwé". Qu’est-ce que ça a à avoir avec toutes ces polémiques qui ont cours maintenant ? Je pense que rien.

Il y en a même qui ont dit que ce morceau "agbèhwidé zéhwé" était destiné à l’artiste GG Lapino. Qu’en dites-vous ?
Le Béninois est comme ça. Quand il sait que quelque-chose pouvait constituer pour toi du poison et te tuer, il fera tout pour te le faire boire. Je n’ai jamais eu à rencontrer Lapino si ce n’est pas lors du lancement de son dernier album pour lequel il m’a invité par l’intermédiaire d’une autre personne, étant donné que lui-même ne me connaissait pas. Et pourtant, on a raconté que j’ai chanté pour l’égratigner. C’était, sur l’émission week-end matin de l’Ortb qu’on s’est rencontré pour la première fois pour parler de son lancement. Et voilà ce qu’on raconte sur nous. C’est le propre du Béninois.

Parlez-nous un peu de votre troisième album en préparation
Cet album dont je viens de vous fredonner une des chansons, sera constitué de plusieurs titres. Je ne saurais vous dire exactement le nombre de titres maintenant, étant donné que cela n’est pas encore totalement calé. Je prévois le lancer encore vers la fin du mois de novembre comme j’en ai l’habitude . J’avais prévu le lancer pendant les vacances, mais faute de moyens, je n’ai pas pu.

Vous avez décroché le trophée du Concours national des vainqueurs des artistes du Bénin (Conavab 2016). Comment vous vous en êtes pris ?
Je dirai tout simplement que ça, c’est l’œuvre de Dieu. Je saisis cette opportunité pour remercier du fond du cœur, les animateurs de radio, les auditeurs et tout le public béninois qui ont beaucoup contribué à la promotion de cet album qui a fini par me permettre de remporter  ce prix. Tout l’honneur de ce prix  leur revient.

Si vous vous   trouviez aujourd’hui devant Dieu qui vous demande de lui exprimer vos  vœux chers afin qu’il vous aide  à les réaliser, qu’allez- vous  dire ?
Je lui demanderai deux choses. La première, c’est l’intelligence et la deuxième chose, la longévité.

Si vous permettez, nous allons nous intéresser un peu à votre vie privée. Il est de notoriété publique que les artistes célèbres comme vous, ont facilement la sympathie des femmes. Combien de femmes avez-vous ?
(Il écarquille les yeux, se montre surpris et se mue dans un court silence et répond avec sourire) : Ah, si c’est femme, j’en ai plus de 18 déjà !
Ah bon ? Nous parlons bien des femmes qui sont sous votre toit.
(Il rit pendant environ deux minutes et prend enfin la question au sérieux) : Pour être plus sérieux, je dirai que j’ai une femme et des enfants.

Etes-vous polygame ?
(Il sourit encore et répond sans trop de conviction) : Bon, j’ai une femme et trois enfants. Mais comme on le dit, tant que nous vivons, nous devrions compter avec les imprévus de la vie. Donc, je ne peux dire que je ne serai jamais polygame. Seulement qu’à l’heure où nous parlons, j’ai une femme et trois enfants, deux filles et un garçon.

Les artistes, dans les rivalités, s’envoient des puissances occultes pour se nuire. En avez-vous reçu quelques-unes ?
(Il sourit et répond) : Bon, moi, je ne connais pas de gris-gris et je n’en fais pas. Si je le faisais, on pourrait me l’envoyer. Donc je n’en reçois pas. Je ne connais que Dieu et c’est fini.

Et pourtant, vous avez autant de bagues aux doigts ?
(Il rit longuement et répond avec blague) : C’est vous qui voyez les bagues hein. Moi, je ne les vois pas mon frère.

Qu’avez-vous à dire pour conclure cet entretien ?
J’ai remarqué que dans notre pays, il n’y a pas assez de soutiens pour les artistes. Il y en a qui ont les moyens, mais qui ne commencent à les dépenser que lorsque l’artiste est devenu célèbre. Et ceux-là, quand ils viennent, souvent, c’est pour te demander de les citer dans ta chanson. Ce sont de très mauvais comportements qu’il faut proscrire à mon avis. Je saisis votre canal pour remercier mes soutiens comme monsieur Sylvain Médard Adjagboni, Aladji Malèhossou, maman Juliette Gbaguidi et bien d’autres qui soutiennent  réellement les artistes sans rien attendre d’eux.
Et je profite de l’occasion pour demander aux Béninois de continuer de me soutenir comme ils le font déjà, parce que je veux aller très loin. Je promets de ne jamais les décevoir. Mais ceux qui espèrent que je perce mes oreilles, que je commence par faire de longs cheveux ou tresser mes cheveux ou encore porter des habits bizarres pour jouer les  stars seront déçus. Ce sont des choses que je ne ferai jamais. Car, ce n’est pas ma nature. Je vous remercie.

Entretien réalisé par Donatien GBAGUIDI





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