Donatien GBAGUIDI |
L’information est désormais officielle. A défaut d’une rencontre formelle
d’explication sur le sujet, le Ministre du tourisme et de la Culture, Ange
N’Koué a dévoilé l’une des réformes phares qu’il promettait pour le financement
public dans le secteur des arts et de la
culture. Et c’est devant trois ministres congolais, dont Léonidas Carel MOTTOM MAMONI, son
homologue de la Culture et des arts, qu’il
a annoncé cette réforme, à l’occasion d’une séance de travail tenue le 31 mars
2017 dernier au Ministère du tourisme et de la culture. Il s’agit de la mise en
place d’un fonds de bonification qui servira, selon ses précisions, à « renforcer
les capacités managériales des acteurs du secteur de la culture, à faciliter l’accès au crédit auprès des
institutions financières, à susciter des
projets innovants au niveau des promoteurs culturels privés, et à assurer le
suivi-évaluation des promoteurs », fin de citation. Que veut dire "bonification"
en terme bancaire ?
Le dictionnaire bancaire consulté nous renseigne sur
la question. Il s’agit d’une « Opération par laquelle un tiers au contrat de prêt (Etat, employeur...) prend à sa charge une partie du taux d'intérêt des prêts accordés à certaines personnes ». En terme clair, l’Etat
béninois, à travers le Ministère du tourisme et de la culture, envisage de
mettre à la disposition des banques commerciales, un fonds, qui permettra aux
promoteurs culturels, sur soumission d’un projet bancable, d’accéder à des
prêts bancaires. Des prêts bancaires dont les intérêts générés seront supportés
par l’Etat. A charge au promoteur culturel emprunteur, de payer le montant
principal.
A l’analyse, cette option comporte des vertus qu’il faut saluer.
La première, c’est la traçabilité dans les dépenses publiques. La 2ème,
c’est le souci de renforcer la qualité des productions artistiques et
culturelles, capables de générer une plus-value pour le promoteur, les artistes
et l’Etat béninois.
Mais la mesure, vue avec recul, quoique pertinente, se heurte
à des contingences qui risquent bien d’handicaper son éclosion et sa mise en
œuvre effective.
Et pour cause, pour emprunter
à la banque, il faut bien que l’emprunteur donne des garanties
suffisantes qui mettent en confiance le prêteur. Et l’une de ces garanties qui
minimisent les risques d’insolvabilité de l’emprunteur reste la présentation de
son chiffre d’affaire annuel, sur
plusieurs années et certifié par un Cabinet d’Audit réputé.
Ce qui suppose que le promoteur culturel emprunteur, avant de
bénéficier du fonds de bonification en question, doit pouvoir donner la preuve
de sa solvabilité, à travers ses activités précédentes, donc ses chiffres
d’affaire. Autrement dit, il faudra disposer d’une capacité financière bien
solide avant de bénéficier de ses prêts
bancaires. Or, comme vous vous en doutez, en matière culturelle, l’avènement
d’une industrie culturelle aux capacités financières captivantes et rassurantes
pour les institutions bancaires reste pour le Bénin, un chantier à
reconstruire. Surtout que le retour
sur l’investissement dans les
initiatives artistiques et culturelles au Bénin demeure particulièrement
aléatoire pour le promoteur culturel, dans un pays où les consommateurs culturels et artistiques
restent dubitatifs à la consommation des produits à eux proposés, avec un
marché très réduit.
Somme toute, on risque alors d’assister à un Fonds vers
lequel personne ne s’empressera, vu les contraintes que son bénéfice impose. Etant
donné qu’il reviendra au promoteur de payer le principal après coup.
Il est alors urgent de repenser autrement la chose, en
faisant de l’Etat par exemple, la caution pour le prêt qu’aura fait
l’emprunteur, au cas où sa défaillance aura été constatée. Ce qui pourrait
rassurer les institutions bancaires à faciliter l’octroi des prêts en question
au promoteur culturel qui en aura sollicité. Dans le cas contraire, le Fonds de
bonification a de fortes chances d’alimenter les comptes dormants. Et ce sera
bien dommage pour la vie artistique et
culturelle du Bénin !
Par Donatien GBAGUIDI
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