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vendredi 14 avril 2017

Chronique culturelle: De la bonification dans les couloirs des réformes au MTC !


Donatien GBAGUIDI
L’information est désormais officielle. A défaut d’une rencontre formelle d’explication sur le sujet, le Ministre du tourisme et de la Culture, Ange N’Koué a dévoilé l’une des réformes phares qu’il promettait pour le financement public  dans le secteur des arts et de la culture. Et c’est devant trois ministres congolais, dont  Léonidas Carel MOTTOM MAMONI, son homologue  de la Culture et des arts, qu’il a annoncé cette réforme, à l’occasion d’une séance de travail tenue le 31 mars 2017 dernier au Ministère du tourisme et de la culture. Il s’agit de la mise en place d’un fonds de bonification qui servira, selon ses précisions, à « renforcer les capacités managériales des acteurs du secteur de la culture, à  faciliter l’accès au crédit auprès des institutions financières, à  susciter des projets innovants au niveau des promoteurs culturels privés, et à assurer le suivi-évaluation des promoteurs », fin de citation. Que veut dire "bonification" en terme bancaire ?
Le dictionnaire bancaire consulté nous renseigne sur la question. Il s’agit d’une  « Opération par laquelle un tiers au contrat de prêt (Etat, employeur...) prend à sa charge une partie du taux d'intérêt des prêts accordés à certaines personnes ». En terme clair, l’Etat béninois, à travers le Ministère du tourisme et de la culture, envisage de mettre à la disposition des banques commerciales, un fonds, qui permettra aux promoteurs culturels, sur soumission d’un projet bancable, d’accéder à des prêts bancaires. Des prêts bancaires dont les intérêts générés seront supportés par l’Etat. A charge au promoteur culturel emprunteur, de payer le montant principal.
A l’analyse, cette option comporte des vertus qu’il faut saluer. La première, c’est la traçabilité dans les dépenses publiques. La 2ème, c’est le souci de renforcer la qualité des productions artistiques et culturelles, capables de générer une plus-value pour le promoteur, les artistes et l’Etat béninois.
Mais la mesure, vue avec recul, quoique pertinente, se heurte à des contingences qui risquent bien d’handicaper son éclosion et sa mise en œuvre effective.
Et pour cause, pour emprunter  à la banque, il faut bien que l’emprunteur donne des garanties suffisantes qui mettent en confiance le prêteur. Et l’une de ces garanties qui minimisent les risques d’insolvabilité de l’emprunteur reste la présentation de son  chiffre d’affaire annuel, sur plusieurs années et certifié par un Cabinet d’Audit réputé.
Ce qui suppose que le promoteur culturel emprunteur, avant de bénéficier du fonds de bonification en question, doit pouvoir donner la preuve de sa solvabilité, à travers ses activités précédentes, donc ses chiffres d’affaire. Autrement dit, il faudra disposer d’une capacité financière bien solide avant de bénéficier de ses  prêts bancaires. Or, comme vous vous en doutez, en matière culturelle, l’avènement d’une industrie culturelle aux capacités financières captivantes et rassurantes pour les institutions bancaires reste pour le Bénin, un chantier à reconstruire. Surtout  que le retour sur  l’investissement dans les initiatives artistiques et culturelles au Bénin demeure particulièrement aléatoire pour le promoteur culturel, dans un pays  où les consommateurs culturels et artistiques restent dubitatifs à la consommation des produits à eux proposés, avec un marché très réduit.
Somme toute, on risque alors d’assister à un Fonds vers lequel personne ne s’empressera, vu les contraintes que son bénéfice impose. Etant donné qu’il reviendra au promoteur de payer le principal après coup.
Il est alors urgent de repenser autrement la chose, en faisant de l’Etat par exemple, la caution pour le prêt qu’aura fait l’emprunteur, au cas où sa défaillance aura été constatée. Ce qui pourrait rassurer les institutions bancaires à faciliter l’octroi des prêts en question au promoteur culturel qui en aura sollicité. Dans le cas contraire, le Fonds de bonification a de fortes chances d’alimenter les comptes dormants. Et ce sera bien  dommage pour la vie artistique et culturelle du Bénin !


Par Donatien GBAGUIDI








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