J’ai rencontré, il y a peu, le lead vocal d’un jeune groupe
musical célèbre de notre pays, descendre des escaliers du Bureau béninois du
droit d’auteur et des droits voisins (Bubedra). Son regard hagard qui dissimule
difficilement sa furie qui laisse entrevoir ses yeux rouges, renseignent à suffisance sur son état d’âme du moment. Et comme vous pouvez
le deviner sans trop faire travailler les méninges, notre artiste était rongé
par une colère tenace. Une colère justifiée par cette mauvaise nouvelle qu’il venait de
recevoir des services du Bubedra. En effet, en tout et pour tout, il venait de
percevoir 6500Fcfa, représentant les droits d’auteur semestriels de son
groupe. Saisi par l’étonnement et
compatissant, j’ai dû me résoudre à le consoler, puis ensemble, nous avons
pointé nos doigts accusateurs sur le Bubedra qui pour nous, agit à minima pour
assurer une gestion optimale des droits d’auteur des artistes béninois.
Mais j’ai dilué ma dose de colère quand une semaine plus
tard, j’ai été informé des exploits d’un groupe de cinéma, tout aussi célèbre
qui venait de recevoir des millions de
droit d’auteur en un semestre.
La question, me semble-t-il, légitime, que je me suis posé face
à cette situation est celle-ci : comment expliquer cette disparité des
droits perçus entre ces deux célèbres groupes ?
La réponse à cette interrogation légitime est toute trouvée
dans le séminaire national sur les enjeux, défis et perspectives du Bureau
béninois du droit d’auteur et des droits voisins officiellement ouvert ce mardi
16 mai 2017. Il en est ainsi parce que des vérités ont été servies, vu que
cette rencontre ayant mobilisé des experts en la matière s’est révélée une
véritable opération chirurgicale sans anesthésie. La première vérité, c’est que
les artistes béninois ont longtemps perçu les droits d’auteur comme une subvention
de l’Etat qui systématiquement devrait leur être répartie ou reversée par le
Bubedra. On retient que cette perception des choses est bien erronée. Car, sans avoir
déclaré ses œuvres au Bubedra, l’écouler abondamment avec toutes les
obligations y afférentes, l’artiste ne saurait s’attendre à une action
miraculeuse de l’institution, capable de
lui générer des droits.
L’autre vérité révélée au cours de cette opération
chirurgicale sans anesthésie, c’est que les communications présentées, cumulées
aux expériences du Bureau ivoirien des droits d’auteur et des
droits voisins Burida) et l’organisme de gestion collective du droit d’auteur
et des droits voisins de l’Algérie exposent sans précaution, les insuffisances
du Bubedra. A titre illustratif, sur les
2295 artistes musiciens sociétaires de l’institution, elle parvient à percevoir 71,89% de redevances, sur les 161
artistes dramaturges, elle réussit juste à percevoir 5,04%, sur les 656
artistes littéraires, le Bubedra est parvenu à
recouvrer juste 20,55% de redevance, puis, en ce qui concerne les 80
artistes plasticiens qui ont souscrit au Bubedra, l’institution n’a réussi qu’à
obtenir un taux de recouvrement de 2,50%. La cause de ce faible taux de
recouvrement des redevances se justifie par le manque cruel des agents
percepteurs, ce qui influe sur les performances de l’institution. Et la conséquence directe, c’est que les ressources à répartir
pour arrondir les droits des artistes s’amenuisent, rendant le Bubedra de plus
en plus contre-productif. Les statistiques présentées par l’Algérie et la Côte
d’Ivoire sont éloquentes et mettent
davantage le Bubedra devant l’ultime devoir de se redynamiser en faisant face
aux nouveaux défis qui s’imposent à lui
pour se mettre au même diapason que le monde culturel en évolution. La preuve,
au moment où le Bubedra tutoie moins de 100 millions de FCFA de redevances perçues en 2016, l’Algérie
est déjà à 15 Milliards de FCFA, uniquement au niveau des redevances sur les
copies privées, devant le Bureau ivoirien du droit d’auteur (Burida) qui est
déjà à 3 Milliards de FCFA, sans avoir amorcé la perception des redevances sur
les copies privées.
Face à ses enjeux et défis, il est alors urgent pour le
Bubedra d’envisager de nouvelles perspectives afin de redonner l’espoir aux
auteurs et aux artistes béninois qui en ont réellement besoin pour leur
mieux-être.
Ces perspectives passent, à notre avis, par la redynamisation du personnel du Bubedra
avec à la clé, le recrutement des agents qualifiés et en nombre suffisant, un
lobbying accentué du Ministre du tourisme et de la culture pour la signature sans délai, du décret relatif à
la redevance sur copie privée et enfin, une
solidarité agissante et active des auteurs et artistes autour du Bubedra pour
mener avec succès, ses lobbies, en vue d’améliorer ses performances.
Nous espérons humblement que le séminaire du Palais des Congrès va pouvoir répondre
à ces impératifs. Ce sera le prix à payer afin qu’il nous donne des raisons de
nous réjouir de sa réussite.
Donatien GBAGUIDI
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