Sa Majesté Gandjègni Awoyo GBAGUIDI XIV, le roi de Savalou parle |
Il a été intronisé le 5 juin 2015. Trois mois se sont donc écoulés et il
a fini par parler. Sa Majesté Gandjègni Awoyo GBAGUIDI XIV, roi de Savalou a
donc parlé. En exclusivité, au détour de la fête de l’igname célébrée le 15
août 2015, il s’est ouvert à nous. Et il nous a tout dit. Sans langue de bois.
Même sa vie privée n’est pas épargnée. Encore moins, ses ambitions pour la
commune de Savalou qu’il rêve de voir unie et développée malgré les ressources
financières limitées du royaume sur lequel il règne. Découvrez donc.
L’Evénement Précis : Pour la toute première fois, vous avez organisé
les manifestations de la fête de l’igname à Savalou en tant que roi. Quelles
sont les grandes manifestations qui ont marqué l’événement ?
Sa Majesté GandjègniAwoyo GBAGUIDI XIV :Je dois vous dire avant tout que la
poursuite des cérémonies royales de mon intronisation fait partie des
manifestations de la fête de 15 août de cette année.C’est dans ce sens que je
suis allé sur la tombe du premier roi de Savalou, Sa Majesté Soha, dans le
cadre du rituel que nous appelons "Yota". En réalité, pour la fête de
15 août, je puis vous dire que c’est une histoire de continuité. Mon
prédécesseur l’a fait pendant huit ans. Une fois intronisé donc, j’ai essayé de
poursuivre ses œuvres. Il n’y a donc
pas grand-chose à dire par rapport à ça.
Vous venez de dire que vous voulez poursuivre les œuvres de votre prédécesseur.
Nous avons encore en mémoire les nombreux chantiers qu’il a ouverts avant de
rendre le tablier de la vie. Il y a à titre d’exemple, le Panthéon qu’il a créé
et les infrastructures qu’il a ouvertes. Comment comptez-vous concrètement
mener à bien tous ces chantiers ?
Le chantier dont j’ai surtout entendu
parler est le Panthéon. Cela symbolise quelque chose de très important pour le
monde entier. Parce que cela parle de l’esclavage. Je puis vous dire donc que j’en suis conscient et je n’ai pas
baissé les bras pour sa promotion. Mais
je dois vous avouer aussi que je n’ai pas ce dossier du Panthéon en main. De
toute façon, je ferai tout pour qu’il y ait également continuité à ce niveau.
Vous venez de dire que vous n’avez pas le dossier relatif au Panthéon en
main. Pourriez-vous nous expliquer davantage ce que vous voulez dire par
là ?
Tout à fait. Je le dis parce que je
pense que lorsqu’un chantier est né, il est comme un homme. Il doit donc avoir
un acte de naissance.Autrement dit, le Panthéon doit avoir un acte de naissance
qui doit comporter un cahier de charges. Cela devra nous permettre de savoir ce
qui va se retrouver réellement dans ce Panthéon. On a parlé d’esclavage. Je
suis d’accord. Mais au-delà de ça, qu’est-ce qui va s’y retrouver ? C’est
la réponse à cette interrogation que je n’ai pas eue qui me permet de parler de
ce dossier.
On sent en vous, une volonté d’imprimer votre marque à ce Panthéon. Que
comptez-vous concrètement faire ?
Comme je vous l’ai dit, même sans
dossier, je vais poursuivre les activités autour de ce Panthéon pour en arriver
à quelque chose qui va plaire au monde entier. C’est cela mon objectif.
Majesté, mis à part ce Panthéon pour lequel vous voulez œuvrer pour
imprimer votre marque, quelles sont les
autres ambitions que vous nourrissez pour votre royaume pendant votre
règne ?
Moi, mon souci, c’est tout simplement
le développement de la commune de Savalou. Et j’y mets beaucoup de choses. Mais
pour le royaume, il n’y a pas un budget à gérer. Il n’y a pas de budget à gérer
dans le royaume de Savalou. Je ne pourrai donc pas vous dire que je vais
construire des écoles et consorts. Il ne faut pas rêver. Mais moi, mon projet,
c’est le développement. Après le développement, il y a l’union. Sinon, je peux
même dire que mon projet est d’abord l’union et puis après le développement.
Vous venez d’affirmer que le royaume n’a pas de budget. Comment
fonctionne-t-il alors ?
Je vous le réaffirme. Le royaume n’a
pas de budget. Pour en revenir à votre question, je dirai qu’elle est vraiment
intéressante. Mais je puis vous répondre en disant que si l’Etat nous
reconnaissait, il pourrait en être autrement. Car, les royaumes peuvent bel et
bien aider l’Etat dans ses efforts pour le développement. Mais au lieu de nous
aider, l’Etat profite du désordre qu’il y a en notre sein et les individus et
ignore ce qu’il doit faire des royaumes.
Juste après votre désignation, on a eu à entendre que vous êtes un
entrepreneur. S’il vous était donné de vous laisser découvrir à nos lecteurs,
que diriez-vous de vous-même ?
Je peux vous dire que je suis un
homme d’affaires. Je suis propriétaire de plusieurs entreprises. Surtout des
entreprises de concassage et de construction d’infrastructures. Mon rêve, c’est
de construire cette pauvre commune de Savalou, voire le Bénin, mon pays.
Désormais vous êtes roi. Comment comptez-vous concilier votre titre
d’homme d’affaires et la mission que vous impose la royauté ?
Je sais que je suis en mission. Tout
comme d’ailleurs toute personne qui arrive sur cette terre. Je dirai pour ce
qui me concerne que je suis au début de ma mission. Ce que j’avais entrepris
dans le passé constitue pour moi une mission de découverte. Cela a servi à me
connaître et à me découvrir. Pour ce qui est relatif à la mission de la
royauté, je dirai tout simplement que mes ancêtres me donneront la force de
l’accomplir dignement et de ne pas regretter ce qu’ils m’ont confié comme
mission. Car, en tant que président-fondateur de sociétés, il ne me revient
plus de gérer directement mes entreprises. Mon rôle est de rester au Palais
pour m’occuper de la mission que m’ont confié mes ancêtres. Cela ne m’empêche
pas de diriger depuis le palais, mes entreprises.
Quand un roi va au service, comment s’habille-t-il ?
Moi, je ne pourrai plus aller sur mes
chantiers. Mais de loin, je ferai ce que je pourrai. Et je reste convaincu que les ancêtres et
Dieu vont m’aider à y arriver.
Vous avez dit tout à l’heure que votre première priorité, c’est l’union
des fils et filles de Savalou pour le développement. Comment comptez-vous y
arriver dans un contexte où la politique a réussi à diviser ceux dont vous
parlez ?
Je pense que la destinée de la
commune de Savalou ne doit pas être politisée. Car, la politique a une courte
vie. Elle commence un jour et s’estompe quelques temps après. C’est pourquoi
j’ai toujours demandé aux Savalois d’oublier la politique et de penser à
nous-mêmes. Car, après la politique, nous allons continuer de vivre nos
malaises, notre pauvreté. Nous devrions donc savoir faire la part entre la
politique et le développement de Savalou.
Et on ne peut y arriver que par l’union. Désormais, la 15 août ne sera
plus exclusivement une fête de l’igname. Elle sera également une fête de
réflexions autour des problèmes de développement de Savalou.
Vous avez été intronisé le 5 juin 2015 dernier. Comment se passe la collaboration
entre vous et les autres rois qui sont déjà là avant votre arrivée ?
Je dois vous dire que moi, je suis
roi de Savalou. Je vois donc mal le développement de ma commune venir
d’ailleurs. Je suis d’accord que je dois collaborer avec les autres rois. Mais
que vais-je y gagner pour le développement de ma commune ? Si je n’y gagne
rien, je ne vois pas en quoi cela est utile pour ma royauté. Autrement dit,
s’il n’y aura pas développement à la base, il n’y aura pas de collaboration. Si
je dois collaborer avec eux, il me faut avoir leur feuille de route, leurs
conseils pour avancer.
Est-ce qu’il y en a déjà qui vous ont rendu visite et avec qui vous avez d’ores et déjà partagé
votre vision sur ce que doit être la royauté au Bénin ?
Je réponds non. Je n’ai pas encore eu
de visite d’autres rois. Mais ce que je puis vous dire, c’est qu’à mon
intronisation, il y a eu beaucoup de rois qui sont venus et qui ont fait des
discours. Mais je ne les ai pas encore rencontrés. Donc, je ne pourrai pas vous
dire que j’appartiens à tel ou tel autre groupe. Quand vous avez à choisir
entre plusieurs groupes dans un secteur, je pense qu’il est difficile d’y
arriver. Nous perdons beaucoup parce que j’ai remarqué qu’il y a trop de
désordres dans le système royal. Les rois se retrouvent aujourd’hui dans chaque
von et l’Etat profite bien de la situation pour ne pas prendre des engagements
vis-à-vis des royautés qui jouent un rôle important dans les diverses élections
dans notre pays.
Mais l’Etat accorde une subvention chaque année à la royauté au Bénin. N’en
êtes-vous pas encore informé ?
Je vous réponds oui. Je suis au
courant de cette subvention. Mais je dois dire que je n’ai pas encore les
données qu’il faut pour mieux l’apprécier. Toutefois, cela ne devrait pas
empêcher l’Etatde jouer pleinement son rôle de financer nos royautés.
Majesté, si vous permettez, on va s’intéresser un peu à votre vie privée.
Que peut-on retenir de votre vie de famille surtout que la royauté au Bénin va
de pair avec la polygamie ?
Ce n’est pas une obligation d’avoir plusieurs femmes quand on
est roi. Moi, je suis déjà un polygame avant d’être désigné roi. J’ai trois
femmes sous mon toit et quinze enfants. Je ne pense donc pas que ma vie peut changer
autrement. Je le dis parce que dans la royauté, il y a une règle. C’est que
vous pouvez avoir quelques couvents de
femmes, mais vous n’êtes pas obligé de les avoir sous votre toit. Autrement
dit, ma vie de polygame ne peut pas
changer si je suis conscient de mes charges, surtout que le royaume n’a pas un
budget.
Avez-vous un mot de conclusion ?
Je dirai au gouvernement de mon pays de penser
aux royautés parce qu’il profite d’une situation pour démissionner. Ce n’est
pas à nous de lui dire qu’un roi appartient à un royaume. Il appartient aux intellectuels
formés pour le faire. Il faut aussi recadrer les choses
afin que l’on sache qui est roi et qui ne l’est pas.
Interview réalisée par Donatien GBAGUIDI
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