samedi 3 octobre 2015

Enquête sur le Trafic d’organes humains au Bénin: Des charlatans parlent d'un marché florissant


Des organes humains issus de la profanation d'une tombe

Des tombes profanées, des assassinats odieux perpétrés pour prélever des organes humains, des disparitions mystérieuses d’enfants. Ce sont là les exigences d’un commerce de type particulier qui se développe dans la clandestinité au Bénin : le trafic d’organes humains. Qui sont les vrais acteurs de ce secteur ? Que font-ils réellement des organes humains ? Enquête au milieu du macabre.





Samedi 5 janvier 2013. Deux jeunes filles de la même famille, Djandja Moïba et Samiratou, toutes deux âgées de 9 ans sont sauvagement assassinées à Inirou dans la commune de Kilibo, une localité du Centre-Bénin, située à  environ 300km de Cotonou. Environ trois semaines plus tard, le 23 janvier 2013 précisément, neuf présumés auteurs de l’assassinat sont arrêtés par la gendarmerie de la commune, à Toui, un arrondissement de la commune de Ouèssè. Selon le Commissaire Dansou Jérémie, Chef du Commissariat de police de la localité, les mis en cause ont été retrouvés avec les têtes fracassées et d’autres organes des deux jeunes filles. « Ils nous ont avoué qu’ils ont commis cet acte sur la demande d’un marabout qui leur a promis de leur multiplier de l’argent. Mais le marabout a précisé selon leurs aveux que les organes humains en question étaient nécessaires pour les rendre riches », explique le commissaire Jérémie Dansou, visiblement horrifié. Un an plus tôt, par un matin du mercredi 11 janvier 2012 et toujours à Kilibo, c’est la gendarmerie qui a arrêté un homme détenant un sac contenant la tête d’une jeune fille de trois ans assassinée. Le 04 février de la même année, la gendarmerie de Comè arrête trois hommes qui venaient de défoncer la tombe d’un homme en y arrachant les restes de la dépouille. Parmi les trois suspects, figure l’un des fils du défunt. Dans le village de Todo, arrondissement de Sodohomè, dans la commune de Bohicon, les parents du jeune Cyriaque Adanmènoukon continuent de pleurer la disparition mystérieuse de leur fils. Ici, l’on soupçonne les trafiquants d’organes humains. « Cyriaque est un bossu. Il constitue donc une proie idéale pour ces assassins qui veulent se faire de l’argent à tout prix », commente un villageois. En parlant de bossu, nos deux charlatans sont unanimes sur un fait. Ils sont les plus prisés sur les marchés noirs. C’est d’ailleurs le cas des Albinos selon Boglonou. « Les albinos sont très recherchés. Cela parce qu’ils constituent en eux-mêmes une source de richesse », a-t-il révélé avant d’ajouter : « une tête d’albinos peut coûter banalement 1.000.000FCFA. C’est sans compter avec les autres organes ». Le mardi dernier, 5 février 2013, Avocèvou Dieudonné, prêtre de la divinité Dah Yovo a  été appréhendé par la Brigade de Gendarmerie de l’arrondissement de Ouando à Porto-Novo. Le Chef de cette brigade affirme qu’il a assassiné l’un de ses amis pour sa divinité. Celle-ci serait efficace pour octroyer la richesse à ses adeptes. La question est alors de savoir comment ces assassins parviennent à transformer en argent ces têtes coupées, ces bosses ou ces cœurs arrachés ou encore ces litres de sang vidés.
Les charlatans parlent
 Après plusieurs mois de résistance, un charlatan a fini par nous parler. C’est un homme bien redoutable. Derrière lui, il y a plus de 20 années de pratique en tant que guérisseur traditionnel. Dès le départ, il a requis l’anonymat, acceptant finalement que nous le surnommions « Boglonou ». Selon Boglonou en effet, les organes humains servent surtout à fabriquer différents produits qui affluent sur tous les marchés de notre pays. Et c’est un avis que partage entièrement un autre charlatan rencontré dans une région bien loin de Cotonou. Plus péremptoire et précis sur la question, il affirme : « Les organes humains servent à fabriquer des produits capables de guérir plusieurs maladies. Il y a par exemple les produits fabriqués contre toute attaque occulte connus sous le nom de « glo ». On les utilise également pour faire des rituels spécifiques. C’est le cas par exemple si on veut avoir de l’autorité sur une foule, si on veut avoir du pouvoir de domination sur un certain nombre de personnes pour mieux se faire entendre. Les produits qu’on utilise pour guérir les plaies incurables sont aussi généralement composés d’organes humains ». Prenant le cas d’un produit dénommé « Affionhotchi », notre praticien affirme : « Il est fait à base d’organes humains et permet surtout de prendre le dessus lors des conflits. La plupart des produits utilisés pour des questions de chance et de longévité sont également composés d’organes humains ». Il ajoute même que tous les produits destinés à faire fleurir les affaires, que ce soit en politique, dans le commerce ou dans les grandes entreprises sont immanquablement faits d’organes humains. Et de préciser encore : « C’est un commerce bien organisé qui se développe dans notre pays ». Cette version est confirmée par Paul, un photographe habitant à Abomey-Calavi, une commune environnante de Cotonou. « A un moment de ma vie, confie-t-il, j’ai utilisé un de ces produits qui m’a été offert par un ami de mon père qui, à l’époque, habitait Hlagba Dénou, dans la commune de Zogbodomè. Je peux vous dire que ce sont des produits redoutables. » Il nous raconte alors comment à deux reprises au moins, il a remarqué que son gris-gris était capable de lui procurer beaucoup d’argent. « J’ai décidé un beau jour de tout jeter en brousse quand j’ai eu la nette impression que le gris-gris est à la base d’un accident, confie Paul. Un ami à qui j’ai juste dit de se méfier, a fait un grave accident le jour même où je l’ai mis en garde alors que ce jour-là j’avais fait le rituel particulier que je devrais faire pour actionner mon gris-gris »

Des marchés d’organes humains
Les organes humains se vendent près de nous. Pour avoir pratiqué les sciences occultes depuis environ vingt ans, Boglonou avoue que le plus grand marché d’approvisionnement des organes humains se trouve au Nigeria. Selon ses dires, ce marché particulier est baptisé « Djakara ». Mais il prévient : « N’importe qui n’y va pas. Sinon, vous deviendrez tout simplement une victime du trafic ». Un autre charlatan rencontré cette fois dans un couvent religieux ajoute que l’approvisionnement se fait également au Bénin. « Pour avoir les restes humains, il suffit de faire un tour au marché Mahoulé de Dantokpa. C’est à cet endroit que se vendent les os de tout genre. En bon initié, les gens vous reconnaîtront et pourront vous les vendre si vous en demandez », a-t-il révélé avant de préciser : « Même si vous voulez une tête humaine fraichement coupée, vous pouvez en trouver là-bas ». Un tour à Mahoulé, appendice du marché Dantokpa, et on se rend à l’évidence. Situé aux abords du Lac Nokoué, il dégage une odeur nauséabonde. Des dizaines d’étalages offrent des restes d’animaux, pas un seul ne propose de tête ou de tibia humains. Selon un habitué des lieux, c’est à l’issue d’un long processus de mise en confiance que les vendeurs se résolvent à livrer le précieux sésame à leur clientèle. Tout s’opère dans la clandestinité entre initiés. Mais Mahoulé n’est pas le seul point d’approvisionnement en organes humains. Certains couvents religieux sont également de grands fournisseurs du funeste produit au Bénin. Un chef de couvent le confirme. « Pour conserver le caractère sacré de certains couvents, il est utile que des non-initiés qui se hasardent à les désacraliser soient châtiés », confie-t-il sans autres détails. Des révélations qui corroborent bien celles qui font état de ce que des disparitions mystérieuses d’enfants sont souvent signalées après l’exécution de certains rituels.

Des couvents construits avec des organes humains
Nos informateurs sont formels. Les couvents de certaines divinités sont construits sur des restes humains. Et ils semblent bien avoir raison. Le mardi 5 février 2013 dernier, à la stupéfaction générale, le sieur Dieudonné  Avocèvou, prêtre de la divinité Dah Yovo a été pris en crime flagrant de meurtre à caractère initiatique. Selon les explications du Major Placide Dégbessou, Chef de la Brigade de Gendarmerie de l’arrondissement de Ouando à Porto-Novo, il a promis à l’un de ses fidèles amis de transformer en opulence sa vie de misère. Il l’a alors convaincu de le suivre pour subir des rituels dans le village Ekiti au Nigeria. Mais aux dires du Major, c’était un piège qu’il lui a tendu pour l’assassiner en vue de le donner en offrande à la divinité DahYovo qui nécessite des sacrifices humains. Au Nigeria, il a donc assassiné son ami. A ses trousses, la gendarmerie de Ouando a fini par l’arrêter et il est passé aux aveux. Mais il n’était pas seul. L’un de ses disciples qu’il a initié, le sieur Louis Houndékon a été également arrêté. La divinité DahYovo implantée dans son couvent a été détruite. Et là, horreur. Des crânes et ossements humains de tout genre ont été déterrés. La gendarmerie de Ouando dit poursuivre ses investigations pour mettre la main sur d’autres suspects. Des couvents comme celui-là, il en existe encore à travers le Bénin, un pays où les crimes rituels prennent de l’ampleur dans l’indifférence générale des pouvoirs publics.

Donatien GBAGUIDI


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