vendredi 31 mars 2017

Parole aux acteurs culturels béninois: à propos de l’opposition de la France au retour des biens patrimoniaux du Bénin


Faire l’inventaire, ratifier les conventions, opter pour la voie diplomatique et à défaut, recourir à nos forces endogènes pour le retour des biens patrimoniaux spoliés par la France lors de la conquête de 1892.

C’est en résumé, les échanges du 2ème  débat officiel du forum « MTC » (Ministère du Tourisme et de la Culture) sur le thème  "Le Non diplomatique de la France à la demande du gouvernement de retourner ses biens culturels : blocages juridiques et précautions à prendre pour faire prospérer la décision gouvernementale". Les réflexions de trois panélistes Eustache Agboton, journaliste culturel, Pascal Wanou et Franck Béhanzin, tous deux  juristes et acteurs culturels ont  permis d’enrichir le débat qui a duré 90 Minutes.
Pour Eustache Agboton, le Bénin a fait un pas mais la route est longue.  Il estime que la demande du Bénin quoique légitime n’est pas légale puisque le Bénin n’a pas ratifié la convention de l’Unesco de 1970 et la Convention Unidroit de 1995. Franck Behanzin nous renseigne sur le droit au butin qui,  à l’ère coloniale a engendré la spoliation quasi-systématique des biens culturels des pays soumis. C’est donc le cas du Bénin, une victime de la France. Pascal Wanou, salue la démarche du gouvernement présidé par Patrice Talon qui, en  demandant le retour des trésors royaux en Juillet 2016, ne fait qu’appliquer l’article 13 (alinéa 3) de la loi 91-006 du 25 février 1991 portant Charte culturelle en République du Bénin qui stipule que « En outre, il (l’Etat) œuvre également à la restitution des biens culturels expatriés».

Face au Non de la France, quelle doit être la conduite du Bénin pour le retour des biens  culturels ?

A ce niveau,  quatre voies complémentaires sont proposées par les panélistes et les intervenants. La première étape suggérée par Eustache Agboton est de faire l’inventaire des biens culturels qui se trouvent en France. Un préalable approuvé par Pascal Wanou qui souhaite que « le Bénin engage le processus d’identification et de dénombrement de ces biens et de leurs propriétaires actuels ». 
Le second préalable est celui de la ratification des conventions suscitées par l’Etat Béninois. Une option qui reçoit l’adhésion de Tony Yambodé et Giscard Comlan Adjakpo.
 La 3ème solution est celle de la voie diplomatique. Mais avant d’arriver à ce consensus, le débat a été suffisamment houleux entre les panélistes Franck Behanzin et Pascal Wanou. En effet Franck Béhanzin suggère que la voie diplomatique soit privilégiée dans les négociations en plus de l’option des pétitions. Là-dessus, Pascal Wanou préfère la voix diplomatique et trouve d’ores et déjà infructueuse la voie des pétitions. « Je demeure très sceptique face à la solution des pétitions. Il ne s’agit même pas de solution, mais d'un moyen de pression. Or, nous sommes face à un imbroglio juridique. La pression populaire, même de 100 millions de signatures, n'y fera rien. La seule solution, reste la négociation. Et c'est ce que prévoit même la charte culturelle », justifie-t-il. Si les voix s’accordent pour l’option diplomatique, c’est parce que les participants au débat pensent , presque à l’unanimité,  que le Bénin n’aura pas gain de cause s’il engage un bras de fer dans un cadre juridique. « Retenons que les conventions en la matière ne sont pas rétroactives et qu'il y a aussi trop de contingences à cela. Pour ce qui est des voies juridiques, faisons attention. Le risque de perdre un procès est fort. Que cela soit le dernier recours », précise Franck Behanzin.
Malgré les espoirs avec la voie diplomatique, le Bénin a l’obligation de prouver sa capacité d’entretenir, conserver et sauvegarder les biens culturels existants sur son territoire. Tony Yambodé fait remarquer que « le Bénin n’est pas du tout un exemple en matière de conservation des biens culturels. La preuve est que le peu qui existe, est volé par des individus et mal entretenu ». Ce qui amène Franck Béhanzin a fait comprendre que « La conservation des biens culturels, n'est pas seulement dans l'intérêt du pays mais dans l'intérêt de l'humanité. Et le manque de preuve de leur conservation peut faire échouer toutes les procédures juridiques comme diplomatiques ». Pascal Wanou recommande donc « que le Bénin commence par mettre en place le dispositif d’accueil et de sécurisation de ces biens, car dans ce processus, le Bénin doit donner la preuve de la bonne conservation de ces biens et de la possibilité pour le public d’y avoir accès avec facilité. Il s’agit de restaurer et de moderniser nos musées, mais aussi, de réfléchir à une politique d’appropriation et de fréquentation des musées ».
Il  faut donc retenir qu’en plus des préalables que sont l’inventaire des biens culturels spoliés par la France lors de la conquête de 1892, la ratification de la convention de l’Unesco de 1970 et  de la Convention Unidroit de 1995 et autres, le Bénin doit également donner la preuve de sa capacité à converser les biens culturels existants.
Le directeur Francis Zogo propose que tout le processus de demande soit repris depuis le début pour être dans les règles. « L'inventaire ne devrait pas poser un problème car des Béninois ont fait des stages dans ces musées français. Mais un problème de prise en charge effective de ces biens se pose. L'état de nos musées doit être pris en considération», ajoute-t-il.
Gaston Eguedji se montre plutôt pessimiste en affirmant : « pour ce que je sais après les différentes discussions que j'ai eues ici et même ailleurs, je suis bien triste de dire que cette demande ne portera jamais ». Après ces propos de l’administrateur du Fitheb, Giscard Comlan Adjakpo propose dans un ton sérieux,  une option au-delà du réel. « Bon. Étant donné que nous sommes au Bénin, berceau du vodoun, qu’on demande à nos dignitaires de faire venir de façon mystique, ces biens culturels au Bénin ». Une option très drôle de Giscard Comlan Adjakpo approuvée par Bardol Migan qui ajoute « utilisons nos forces pour ramener nos biens. C'est plus simple ».

Henri MORGAN, journaliste en freelance

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