Il a pris une part
active dans la consultation de Bénin
Tofâ 2018, à la salle du Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb),
ce samedi 02 décembre 2017. Chercheur, spirituel et socio-anthropologue, il a
accepté de s’adonner à l’exercice d’interprétation des différents signes sortis
au Tofâ 2018, avec des messages clairs au Président de la République, Patrice
Talon. C’est à travers l’interview qu’il nous a accordée. Il s’agit de Sylvain
Adoho, alias "Maître Bobos". Découvrez donc !
Maître Bobos : Le premier signe sorti, c’est
"Gouda Abla". Certains initiés vont l’appeler "Gouda da bahoun", pour faire allusion à la
détonation. Après ce signe, nous avons sur les cauris, le signe
"Gbéka" et sur les noix de Césarion, nous avons le signe
"Gouda". De façon ramassée, le Fâ demande à ce qu’on sache traiter le
mauvais, le têtu. Car, ce n’est pas mal traiter le têtu, qui l’amènera à
changer de comportement. Autrement dit, le Fâ demande à ce qu’on sache attirer
l’homme avec une main, avant de le frapper avec une autre main. Et cela
s’adresse au sommet. Quand nous parlons de sommet, nous parlons du Président de
la République, Patrice Talon. Le Fâ lui recommande de savoir traiter le peuple, c’est-à-dire, le traiter avec douceur,
tout en étant ferme. Ce qui voudra dire que le traitement doit être équilibré.
L'autre chose que le Fâ recommande, c’est qu’il invite le Président de la
République à s’initier au Fâ. Au-delà de tout, c’est le sang du Fâ qui coule
dans ses veines, et il faudra qu’il aille s’initier. Nous savons que lorsque
l’on atteint le niveau christique, il n’est plus nécessaire d’aller s’initier
au Fâ. Mais quoi qu’en soit le degré de connaissance de mon Président, il n’a pas
encore cette vie intérieure pour pouvoir ne pas s’initier au Fâ. L’autre chose,
c’est que le Fâ demande à ce qu’on contrôle l’armée afin que le mal
ne vienne pas d’elle et finisse
par troubler la quiétude de la population que nous sommes. Pour finir, le Fâ
met en garde les femmes qui pourraient faire double jeu, et leur recommande de
faire très attention. De l’autre côté, le Fâ annonce des maladies de l’abdomen
de façon générale pour les femmes et de la faiblesse sexuelle pour les hommes.
Le Fâ annonce également qu’il aura suffisamment de séparations, de divorces et
même de veuvage concernant le domaine conjugal. Ce qui veut dire que nous
devons faire beaucoup attention.
En termes clairs, le Fâ
ne prédit-il rien de bon pour l’année 2018 ?
Je voudrais que nous mettions l’accent sur quelque chose. Le
Fâ annonce qu’il y aura la famine en 2018.
Que ceux qui espèrent donc un changement positif l’année 2018, sur le plan
financier, se détrompent vite. Parce que le Fâ dit clairement que le Président
de la République va beaucoup se battre pour la mobilisation des ressources
financières, mais cela ne suffira pas à satisfaire les attentes des populations
que nous sommes. Ce n’est donc pas, en prenant de force, ceux qui doivent à
l’Etat, qu’on aura la meilleure solution. La meilleure solution, c’est non
seulement recouvrer les créances de l’Etat, mais également, penser à comment l’investir
sur la population. Car, le Fâ dit que le
grenier de l’Etat sera plein, mais le pauvre Béninois aura faim. Et la
population finira par se jeter sur le grenier et l’Etat va vouloir utiliser les
armes. En termes clairs, c’est ce qu’il faut retenir.
Quelles recommandations
faites-vous alors au Président de la République par rapport à cette situation
financière critique que vous prédisez ?
En termes de recommandations, en tant que non seulement
bokonon, mais aussi initié, je demande au Président Talon de chercher à servir
le peuple, et uniquement le peuple. D’éviter la vengeance, de ne pas
s’accrocher au passé, en cherchant à se venger de tous ceux qui l’avaient
embêté par le passé. Et au-delà de cela, de ne pas se faire le meilleur
intelligent de tous. Parce que le Fâ dit que trop de ruse, trop d’intelligence
personnelle finiront par détruire le pays. Et lorsqu’une seule personne croit
être la plus intelligente, en oubliant que même le dernier des fous a son
intelligence, c’est le pays qui vire au chaos. Et donc, il faut qu’il fasse
attention. Je lance cet appel aussi à tous ses ministres. L’autre chose, c’est que le Fâ pense que les gens ne sont pas
libres dans le pays. Que nous sommes dans un pays démocratique, mais cela donne
l’impression d’être dans un Etat dictatorial. Que le Président fasse l’effort
afin que chaque Béninois se sente libre dans sa peau, et qu’à défaut de trouver
à manger, qu’il se sente libre dans sa peau.
Que faites-vous pour
opérer les sacrifices nécessaires afin que le Bénin se porte mieux en
2018 ?
Le plus important que je dois louer dans le Bénin Tofâ 2018,
c’est que le gouvernement s’est fait représenter à la cérémonie. C’est déjà un
pas. La plupart du temps, ce sont les bokonons, les organisateurs du Bénin
Tofâ, accompagnés parfois par les populations,
qui cotisent de l’argent pour faire
les sacrifices nécessaires. De plus en plus, nous notons un engouement
soutenu à la chose culturelle et cultuelle. Et cela nous donne un plaisir
particulier. Et lorsque la population va mettre la main à la poche avec la
cotisation des bokonon, nous allons trouver le peu qu’il faut pour faire les
sacrifices minima. Et lorsque nous aurons trouvé beaucoup, nous ferons tout ce
qu’il faut. Et si le gouvernement essaie de mettre la main à la poche et nous y
aide, ce serait aussi tant mieux. Je voudrais bien signaler que la plupart du
temps, le gouvernement ne donne rien pour les sacrifices.
Y-a-t-il des dieux
spécifiques à honorer ?
Le premier dieu qui est apparu sur le Fâ, c’est le dieu
"Ogou", dit dieu du fer, qui veut dire en même temps, dieu de la
violence. C’est pour cela que nous parlons de détonation, de soulèvement et des
armes. Il faudra donc faire véritablement attention. L’autre dieu, c’est celui
de la terre. Lui, quoi qu’en soit le signe du Fâ qui sort, le dieu Sakpata
apparait toujours. Et c’est le Sakpata
des Tofins qui est à honorer. Ensuite, il y a le dieu "Hêviosso" des
tofins qui est à honorer. Et c’est le "Ogou" de Dantokpa qui sera
honoré pour permettre à ceux qui vont véritablement se donner à leurs activités
rémunératrices de revenus, de pouvoir en jouir un peu. Enfin, il y a le la
divinité "Dan" de Ouidah et le
"Lègba" de Godomey qui sont à honorer.
Que dites-vous pour
conclure cet entretien ?
Je voudrais d’abord dire que le Fâ est un outil de
développement. Et lorsque nous prendrons le Tofâ comme un outil de
développement, nous allons pouvoir nous développer. Mais lorsque nous le
verrons comme un outil politique, nous finirons par avoir plusieurs cellules de
consultation de Tofâ, et par ricochet, nous pourrons finir par ne plus avoir de
Tofâ. Et ce serait comme si nous rentrons dans la nuit sans une torche dans la
main.
Craignez-vous alors
bientôt, un autre Tofâ 2018 ?
Non, nous ne craignons rien. Le Tofâ a ses critères. Et c’est
ce que nous faisons, ici. Les autres, ce sont de petites tricheries. Et ça ne
manque nulle part. A titre illustratif, lorsque nous allons à l’église
catholique, à un moment donné, nous avons les Orthodoxes et les Protestants.
Moi, je considère ça comme un chemin initiatique. Moi, je m’en fous donc s’il y
a des milliards de Bénin Tofâ. L’essentiel est que je donne mon cœur à ce que
fait ma main et que je m’y accroche pour que cela me guide véritablement vers
la paix.
Entretien réalisé par
Donatien GBAGUIDI
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