Vendredi 14 juillet
2017. La nouvelle de la non-participation
de la jeune écrivaine Mireille Gandébagni et consorts aux jeux de la
Francophonie, 8ème édition, envahit les réseaux sociaux et fait tache d’huile. Pour
finir, les autorités en charge de la culture, sous pression, ont fini par réintégrer
les exclus des jeux, pourtant retenus sur
la liste officielle de l’Organisation internationale de la
Francophonie (OIF). Dans la foulée, des accusés et complices ont été désignés.
Mais aussi, des sauveurs. Que s’est-il réellement passé ? Enquête au sujet
d’une affaire révélatrice de l’ampleur de la veille citoyenne dans le secteur artistique et culturel béninois.
13 juin 2017. Mireille Gandébagni, l’écrivaine béninoise
retenue pour les 8èmes jeux de la Francophonie rencontre le Directeur des arts
et du livre (Dal), Léon Zoha à son bureau. Etaient présents, trois artistes danseurs, de l’association Multicorps
(Raouf Tiéga, Didier Djèléhoundé, Léa Loumière), venus pour d’autres négociations
liées à un voyage qu’ils avaient en vue. Et puis, Mireille Gandébagni est
informée de son retrait de la liste officielle des artistes béninois devant
participer aux 8èmes jeux de la Francophonie. Mauvaise nouvelle donc. Et ça,
elle n’a pas digéré. Elle claque alors la porte de la direction, après avoir
exigé une notification officielle du Ministère du Tourisme et de la culture. Ce
qui a été fait. C’est justement cette lettre qui a circulé sur les réseaux
sociaux. Elle rend, sans ménagement, responsable, Léon Zoha, le directeur des
arts et du livre, complice de cette mauvaise nouvelle qu’elle venait de
recevoir et menace d’agir. A-t-elle raison de pointer d’un doigt accusateur, le
Ministère du tourisme et de la culture, précisément le Directeur des arts et du
livre? La réponse à cette interrogation nous a contraints à nous introduire
dans les couloirs de la Présidence de la République. L’objectif : obtenir
le relevé de la communication adoptée par le Conseil des Ministres. Et nous l’avons
obtenu. Adoptée au Conseil des Ministres
du 12 juillet 2017, cette communication réduit à 5, le nombre des 8 artistes devant participer aux jeux, pour
« contraintes budgétaires ». Mais qui a donné ces orientations au
Conseil interministériel avant que le dossier n’atterrisse au Conseil des
Ministres pour adoption ? La réponse à cette interrogation nous a amené à
fouiner autour du Secrétariat de la Présidence de la République. Et là, nous
avons eu la réponse. Sur une fiche obtenue des sources bien introduites au
Secrétariat de la Présidence de la République, des instructions claires ont été
données au Ministère du tourisme et de la culture, par rapport à la
participation des artistes béninois aux 8èmes jeux de la Francophonie. Cette
fiche intitulée "Fiche d’observations sur la communication du Ministère du
tourisme et de la culture" date du 23 mai 2017. On y lit, en 1er
point des observations, ce qui suit : Il vous est suggéré : 1. Dans
les données générales : « de vous en tenir à l’accréditation de la
Francophonie (OIF), en limitant la taille de l’équipe de la mission (artistes
et personnel d’encadrement). Par exemple, réduire le nombre de domaines d’arts
de 8 à 5, tout en supprimant les rubriques littérature, photographie et
création numérique ». Voilà la communication finale qui a été introduite
au Conseil des Ministres pour
approbation. Et c’est cette mauvaise nouvelle qui a été portée à
Mireille Gandébagni par les soins du Directeur des arts et du livre.
Des alertes !
Le 14 juillet 2017, la notification exigée et obtenue par
Mireille Gandébagni, atterrit dans les réseaux sociaux. Le monde artistique
béninois, se sent consterné. Par une série d’actions, journalistes et acteurs
culturels alertent par des posts tous azimuts. Sur le forum "Ministère du
Tourisme et de la Culture"(MTC) où les vrais débats ont été menés sur le
sujet, une cotisation de solidarité à Mireille Gandébagni a même été lancée sur
l’initiative de Coffi Attédé, un promoteur culturel attitré. Des actes dont les
échos ont été portés aux autorités en charge de la culture, plus que jamais
sous pression. Qu’ont-elles réellement fait ?
Dans la recherche de la réponse à cette question, nous avons
découvert une série de lettres d’alerte adressées aux services de la Présidence
de la République pour décanter la situation. La 1ère lettre, la plus
alerte d’ailleurs, date du 18 juillet 2017 et porte la signature du directeur
des arts et du livre, Léon Zoha. Cette lettre résume la situation difficile de
la participation des artistes béninois aux 8èmes jeux de la Francophonie en
Côte-d’Ivoire et est adressée au chef Cellule de l’Unité Présidentielle de
suivi/Culture du PR. Les représentants des artistes dans cette Unité ont pour
nom, Ousmane Alédji, promoteur culturel et Dina Adébayo. Au regard de la
gravité de la situation, ils ont alerté le Président de la République pour dispositions à prendre.
Le Président approuve la réintégration des artistes exclus. Mais pour pallier
les contraintes budgétaires, il est procédé à la réduction à 3 artistes,
l’équipe des marionnettistes initialement constituée de 5 membres. Informés de
la situation, les marionnettistes n’approuvent pas l’idée et refusent
d’embarquer, vu que techniquement, à trois, ils avouent ne pas pouvoir assumer
à Abidjan.
Ce qu’a coûté la
délégation béninoise, volet art et culture
Dans nos investigations, nous avons pu découvrir ce que la
délégation béninoise à Abidjan, volet art et culture, a coûté au budget
national. Constituée de 15 membres au total, dont 11 artistes, un journaliste,
un régisseur, et deux administratifs, cette délégation officielle coûte à
l’Etat béninois, environ 16 millions de Francs CFA. Il s’agit d’un coût qui
prend en compte, les frais d’accréditation des jeux (accès à la compétition sur
place), les frais de mission et consorts.
On retient que les frais d’accréditation ont coûté 262.400Fcfa par
artiste, le billet d’avion 311.600Fcfa par membre de la délégation. Pour des
raisons de réalités sociologiques, nous préférons taire le coût des frais de
mission par membre de la délégation. Des frais de mission payés à 75% aux
membres de la délégation, le jour même de leur embarquement, à l’aéroport, pour Abidjan.
Abidjan où les jeux, démarrés le 21 juillet, se poursuivent jusqu’au 30 juillet 2017.
Donatien GBAGUIDI
Source: L'Evénement Précis
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