jeudi 18 mai 2017

Chronique culturelle: Droit d’auteur au Bénin : l’heure de la vérité !

J’ai rencontré, il y a peu, le lead vocal d’un jeune groupe musical célèbre de notre pays, descendre des escaliers du Bureau béninois du droit d’auteur et des droits voisins (Bubedra). Son regard hagard qui dissimule difficilement sa furie qui laisse entrevoir ses yeux rouges,  renseignent à suffisance sur  son état d’âme du moment. Et comme vous pouvez le deviner sans trop faire travailler les méninges, notre artiste était rongé par une colère tenace. Une colère justifiée par  cette mauvaise nouvelle qu’il venait de recevoir des services du Bubedra.   En effet, en tout et pour tout, il venait de percevoir 6500Fcfa, représentant les droits d’auteur semestriels de son groupe.  Saisi par l’étonnement et compatissant, j’ai dû me résoudre à le consoler, puis ensemble, nous avons pointé nos doigts accusateurs sur le Bubedra qui pour nous, agit à minima pour assurer une gestion optimale des droits d’auteur des artistes béninois.
Mais j’ai dilué ma dose de colère quand une semaine plus tard, j’ai été informé des exploits d’un groupe de cinéma, tout aussi célèbre qui venait de recevoir  des millions de droit d’auteur en un semestre.
La question, me semble-t-il, légitime, que je me suis posé face à cette situation est celle-ci : comment expliquer cette disparité des droits perçus entre ces deux célèbres groupes ?
La réponse à cette interrogation légitime est toute trouvée dans le séminaire national sur les enjeux, défis et perspectives du Bureau béninois du droit d’auteur et des droits voisins officiellement ouvert ce mardi 16 mai 2017. Il en est ainsi parce que des vérités ont été servies, vu que cette rencontre ayant mobilisé des experts en la matière s’est révélée une véritable opération chirurgicale sans anesthésie. La première vérité, c’est que les artistes béninois ont longtemps  perçu les droits d’auteur comme une subvention de l’Etat qui systématiquement devrait leur être répartie ou reversée par le Bubedra. On retient que cette perception  des choses est bien erronée. Car, sans avoir déclaré ses œuvres au Bubedra, l’écouler abondamment avec toutes les obligations y afférentes, l’artiste ne saurait s’attendre à une action miraculeuse de l’institution,  capable de lui générer des droits.
L’autre vérité révélée au cours de cette opération chirurgicale sans anesthésie, c’est que les communications présentées, cumulées aux expériences  du  Bureau ivoirien des droits d’auteur et des droits voisins Burida) et l’organisme de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins de l’Algérie exposent sans précaution, les insuffisances du Bubedra.  A titre illustratif, sur les 2295 artistes musiciens sociétaires de l’institution, elle parvient à  percevoir 71,89% de redevances, sur les 161 artistes dramaturges, elle réussit juste à percevoir 5,04%, sur les 656 artistes littéraires, le Bubedra est parvenu à  recouvrer juste 20,55% de redevance, puis, en ce qui concerne les 80 artistes plasticiens qui ont souscrit au Bubedra, l’institution n’a réussi qu’à obtenir un taux de recouvrement de 2,50%. La cause de ce faible taux de recouvrement des redevances se justifie par le manque cruel des agents percepteurs, ce qui influe sur les performances de l’institution. Et la conséquence  directe, c’est que les ressources à répartir pour arrondir les droits des artistes s’amenuisent, rendant le Bubedra de plus en plus contre-productif. Les statistiques présentées par l’Algérie et la Côte d’Ivoire sont éloquentes et  mettent davantage le Bubedra devant l’ultime devoir de se redynamiser en faisant face aux  nouveaux défis qui s’imposent à lui pour se mettre au même diapason que le monde culturel en évolution. La preuve, au moment où le Bubedra tutoie moins de 100 millions de  FCFA de redevances perçues en 2016, l’Algérie est déjà à 15 Milliards de FCFA, uniquement au niveau des redevances sur les copies privées, devant le Bureau ivoirien du droit d’auteur (Burida) qui est déjà à 3 Milliards de FCFA, sans avoir amorcé la perception des redevances sur les copies privées.
Face à ses enjeux et défis, il est alors urgent pour le Bubedra d’envisager de nouvelles perspectives afin de redonner l’espoir aux auteurs et aux artistes béninois qui en ont réellement besoin pour leur mieux-être.
Ces perspectives passent, à notre avis,  par la redynamisation du personnel du Bubedra avec à la clé, le recrutement des agents qualifiés et en nombre suffisant, un lobbying accentué du Ministre du tourisme et de la  culture pour  la signature sans délai, du décret relatif à la redevance sur copie privée et  enfin, une solidarité agissante et active des auteurs et artistes autour du Bubedra pour mener avec succès, ses lobbies, en vue  d’améliorer ses performances.
Nous espérons humblement que le  séminaire du Palais des Congrès va pouvoir répondre à ces impératifs. Ce sera le prix à payer afin qu’il nous donne des raisons de nous réjouir de sa réussite.  

Donatien GBAGUIDI







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