Bintou et Oumarou en action |
Quatre (04) morts à la
chute de la représentation. Une fin que personne n’a vu venir. Vu la trop forte
dose de comédie que les comédiens ont su apporter à ce spectacle que le
Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), version Xwé-Xi (migratoire) a proposé ce vendredi 28 octobre
2016 à la population de Lokossa, sur l’esplanade de la Maison des jeunes. Un
texte de l’écrivain béninois, Florent Couao-Zotti, mis en scène par Aristide
Agbonagban.
Les lumières de la régie illuminent le plan scénique. Un plan scénique qui accueille
Bintou, l’adolescente de 15 ans en
pleine crise de puberté, enceintée par Agbon, le pervers riche qui ne trouve
son plaisir que dans la
défloraison des vierges. Et puis "Ya
Baké", la mère de Bintou, qui lâche l’intrigue de la
représentation. Elle propose donc à sa fille de 15 ans, désormais enceinte, de
se marier à Agbon, son bourreau, le vieux riche pervers, "Collectionneur
de vierges", pour avoir une vie décente. Une idée que ne partage pas
Bintou qui réplique aussitôt : « Je ne sais peut-être rien faire,
mais je sais lire et écrire. Agbon n’est
pas mon avenir ». Et c’est parti pour 1 heure environ de rivalités de
talents faites de jeux d’acteurs qui captent l’attention du spectateur jusqu’à
la fin.
Un casting presque
parfait !
Pascaline Montin
incarne Bintou dans la représentation. Un rôle qu’elle assume avec quelques
imperfections au début du spectacle. Des imperfections dues à la logistique
(recherche effrénée et ajustement du micro baladeur sous la pression d’un
public qui veut tout entendre des comédiens) qui l’a quelque peu distraite.
Mais elle s’est très vite remise dans le spectacle. Une reprise du contrôle du
spectacle qui laisse entrevoir son talent à travers ses répliques tant avec sa mère, son frère aîné, Oumarou,
son promis traditionnel, Issa et son bourreau, Agbon. Ce pervers d’Agbon dont
elle se dit finalement amoureuse avec à la clé, des séances de jambes en l’air
dont elle vante les délices à qui veut l’entendre. Et pourtant, cet amour, elle
n’en voulait pas du tout. Ce qui montre bien qu’elle traverse une crise
d’adolescence aigüe qui l’empêche de se
stabiliser dans ses prises de décisions. Une adolescence qu’assume aussi sa
taille modeste avec un visage qui respire jeunesse et innocence. Tout ce qui la
conforte dans son rôle.
La forte dose de comédie dans ce spectacle doit principalement
son droit de cité à deux comédiens. Il s’agit de Radis Agbossaga et de Raymond Adjomaï qui
incarnent respectivement les rôles de Oumarou, le frère de Bintou et d’Issa, le
Togolais, celui à qui la tradition a
promis Bintou. Le 1er, Oumarou, avec sa taille moyenne qui repose sur une
corpulence effilée qu’il exploite avec des gestuels délicats, donne bien du
plaisir au spectateur de l’écouter et de le
suivre sans ennui. Un génie qu’il amplifie
davantage par son recours permanent à la langue maternelle "fongbé", de son Abomey
natale. Et ça, c’est une option du metteur en scène qui veut, selon ses propres
termes : « Permettre à la population de mieux appréhender les
messages de ce spectacle sensibilisateur, vu que la majorité d’entre elle est
analphabète ». Tout ceci rend
digeste le spectacle avec la complicité d’Issa qui, de par sa taille peu
généreuse qu’il exploite avec délicatesse par des gestuels bien maitrisés, des propos comiques et dubitatifs, dévoile une
personnalité peu confiante en elle-même. Et pourtant, il a été le seul rescapé
de cette tragédie qui a fait quatre morts, dont un suicide, la mère de Bintou
et d’Oumarou, qui n’a pu supporter la mort de ses enfants tués par balles, par
Agbon. Lui aussi tué par "Ya
Baké" par balles pour venger sa progéniture.
Et en parlant de "Ya Baké", elle s’appelle Adèle
Eyou à l’Etat-civil. Confrontée à un problème de diction et de maîtrise de
texte, elle a su néanmoins assumer son rôle de mère versatile grâce à sa
présence remarquable sur la scène.
Les contrastes de la
représentation
Le 1er contraste de cette tragédie porte sur le
choix du personnage Agbon. Dans tout le spectacle, il est présenté comme un
vieux pervers, qui a un faible particulier pour les filles vierges. Mais sur la
planche, on découvre le visage d’un Agbon qui respire encore la jeunesse. Un
fait que même la pipe qu’il tient dans
sa bouche, pour paraître réellement un vieux, ne parvient pas à dissimuler. Son
style vestimentaire (le port de la veste) renforce davantage ce contraste qu’il
urge de corriger en maquillant ce personnage et en revoyant son costume pour
l’adapter au texte.
Le second contraste de cette représentation, c’est l’obstination farouche d’Oumarou à faire
respecter la tradition. Une tradition qui
veut qu’Issa, son ami personnel
d’enfance, soit le mari de sa sœur Bintou, conformément à la volonté de son
défunt père. Un père qui avait bénéficié, depuis la conception de Bintou, des libéralités
de la part du père d’Issa à qui il avait promis, avant de mourir, de donner en mariage,
celle-ci à son enfant Issa. Là, on aurait pu imaginer une farouche opposition d’Oumarou.
Car, étant jeune, il est difficilement concevable qu’il marque avec
acharnement, son adhésion à cette tradition d’un passé révolu. Et ceci, au
point de contraindre Agbon, de tuer lui et sa sœur (accidentellement), qui l’ont
défié au nom de la tradition, en donnant en mariage, Bintou à Issa.
Revoir ces contrastes, mais aussi la régie, permettra au metteur en scène de réduire au
minimum, les attaques des critiques de théâtre. Surtout qu’il envisage de
mettre en compétition, selon ses propres termes, le spectacle, "Le
collectionneur de vierges" à travers les différents festivals en
Afrique et en Europe».
Ces quelques observations faites, rendons hommage aux
acteurs : perfectibles et talentueux. Et ce n’est pas le public de Lokossa
qui le contredira, lui qui a veillé jusque tard dans la nuit pour suivre le
dénouement de l’intrigue. Un public qui est reparti, conquis par une soirée
riche en émotions.
Donatien GBAGUIDI
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