Les manifestants au Ministère du Tourisme et de la culture. |
L’acte1 du mouvement "Mercredi rouge" initié par certains
artistes s’est exécuté ce mercredi au
Ministère du tourisme et de la culture avant d’échouer à la Présidence de la
République. Les manifestants promettent de revenir à la charge.
Le SGM/Richard Sogan échange avec les manifestants. |
Des visiteurs ordinaires, modestement mobilisés, mais enragés. Ils sont tous des artistes issus
de différentes disciplines artistiques. Ils
envahissent le Ministère du tourisme et
de la culture dans la matinée de ce
mercredi 8 juin 2016. Et avec un style
vestimentaire qui tranche avec la sérénité. Du rouge ! Pour un mouvement
"Mercredi rouge". Un mouvement dirigé contre un homme : Ange N’Koué,
leur ministre de tutelle. Sur les affiches qu’ils tiennent en main, les
motivations du sit-in sont claires : "Oui aux réformes, mais sans les
acteurs culturels Non » ; « Ma culture, je me dois de la
protéger contre les vautours ». Deux phrases fortes inscrites sur un fond rouge sur les deux affiches en bâche. Et sous
les sonorités du groupe de fanfare mobilisé pour la circonstance, ça chante, ça
danse et ça fait aussi de l’humour. Au point où des agents du ministère s’empressent
de se constituer en spectateurs. Et le bruit va crescendo. Puis atteint les oreilles du Ministre présent
visiblement au poste avant l’arrivée des
manifestants. Alors, il envoie son émissaire. Il s’appelle Richard Sogan, le
secrétaire général du Ministère. Il interpelle les responsables des
manifestants. Sans se faire prier, le comédien Caïman, le cinéaste Ibrahim
Padonou, les chanteurs Nana Yao et Patrick
Adandédjan se détachent du groupe pour aller
à la rencontre de l’émissaire du ministre. Après quelques conciliabules, les
nouvelles tombent. Et elles ne sont pas bonnes pour les manifestants. « Le
ministre a voulu qu’une délégation des manifestants le rencontrent à son
bureau. Mais nous avons dit non. Nous voulons qu’il vienne nous rencontrer tous
ici en bas. Car, ils estiment que nous n’avons pas une autorisation pour faire
du sit-in », lance Patrick Adandédjan aux manifestants déjà très remontés.
Et puis l’adrénaline monte. Les bruits du fanfare retentissent à nouveau. Et
dans le brouhaha, l’émissaire du ministre se retire. Quelques minutes plus tard, à 8 heures 45 minutes
très précisément, le ministre Ange N’Koué, à bord de son véhicule 4X4 aux
vitres tintées, quitte le ministère pour la présidence de la République où
devrait se tenir le Conseil des Ministres hebdomadaire. Les manifestants
prennent cette démarche du ministre comme du mépris et de la provocation.
Alors, une nouvelle consigne est donnée : « Nous considérons l’attitude
du ministre comme du mépris à notre endroit. Il aurait pu descendre nous
écouter tout au moins. Mais il a préféré nous ignorer. Chers camarades,
apprêtez-vous. Nous irons sans bruit à la Présidence pour nous plaindre au
Président », a déclaré Patrick Adandédjan aux manifestants qui, en un brin
de temps, vident le ministère.
La garde républicaine
très coopérative !
Les manifestants au portail de la Présidence de la République. |
A l’arrivée des manifestants à la présidence, l’étonnement se
lit sur le visage des militaires qui forment le cordon sécuritaire installé au
portillon de la Présidence. Et pour cause, les hommes en uniforme ne sont pas informés de cette manifestation. Et
pourtant, ils ont laissé les manifestants s’installer tenant en main, leurs
affiches aux messages dénonciateurs. Ici, il n’y a eu ni fanfare, ni danse,
encore moins chansons. Le silence protestataire est l’arme utilisée. Un silence
qui contraint la garde républicaine à se rapprocher des manifestants pour mieux
comprendre le motif de leur visite improvisée à la Présidence. « Chers
frères, en temps normal, nous ne devrions pas vous laisser vous mobiliser à la
porte de la présidence tel que vous le faites actuellement. Car, nous ne sommes
pas informés de votre manifestation. Mais comme vous le savez, nous sommes tous
des Béninois et nous pouvons nous comprendre. Nous n’allons pas vous chasser.
Nous voulons vous écouter maintenant »,
a déclaré le commandant de la garde républicaine aux manifestants qui
laissent s’éclater d’assourdissants applaudissements. « Chers camarades,
vous voyez qu’il y a des gens plus courtois que notre ministre censé faire
notre bonheur ? Nous voudrions d’abord remercier très sincèrement nos
frères militaires qui viennent de nous accueillir avec chaleur et
humanisme. Ce qui nous a contraints à
venir ici chez le Président de la République, c’est que notre ministre veut
faire notre bonheur sans nous associer. Il a engagé des réformes dans le
secteur de la culture sans associer les acteurs culturels que nous sommes.
Peut-on faire des réformes dans l’armée sans associer les militaires ?
Peut-on faire des réformes dans le coton sans associer les cotonculteurs ?
Nous pensons que non. Nous sommes d’accord pour les réformes. Mais ce que nous
exigeons, c’est que le ministre nous associe. Nous lui avons écrit, nous l’avons
rencontré, mais il a fini par faire tout dans notre dos. Des réformes toutes
faites qu’il veut nous imposer. Ça, nous n’allons pas accepter », a
expliqué Patrick Adandédjan au commandant de la garde républicaine. Des
explications qui visiblement ont ému ces militaires qui ont promis aux
manifestants de s’investir personnellement dans le dossier afin que le Chef de l’Etat soit informé de leurs
préoccupations. Une nouvelle date est donc prise pour mieux structurer les
choses pour que les doléances des
manifestants soient portées personnellement au Président Patrice Talon. Mais
avant cette date, les manifestants se sont donné rendez-vous pour ce jeudi 9 juin 2016 afin d’assiéger à nouveau le Ministère du tourisme et de la
culture. Et ceci pour la même cause.
Donatien GBAGUIDI
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