Le président béninois, Patrice Talon |
A la faveur du Conseil des Ministres
du 27 juillet 2016, le Bénin a décidé de saisir la France pour qu’elle lui
retourne ses biens culturels spoliés à la fin de la colonisation. Une décision
audacieuse qui a suscité une avalanche de soutiens, mais qui reste
problématique au regard des obstacles qui s’érigent contre sa prospérité.
Le président français, François Hollande |
Dans
une enquête du journal Le Point
Afrique, le Bénin réclame à la France, plus
de 5000 pièces «réparties dans plusieurs musées privés, mais dont la
majorité appartient désormais aux collections du Quai Branly, à Paris ».
Selon les précisions du même journal, au nombre des pièces réclamées, figurent « la statue du roi Guézo,
les récades royales, le trône de Glélé, les portes sacrées de son palais ».
Des pièces précieuses réclamées, auxquelles le gouvernement français oppose un
refus catégorique. C’était le 12 décembre 2016 à travers une
lettre adressée au ministre béninois des affaires étrangères, Aurélien
Agbénonci par un courrier signé du premier ministre
français, Jean-Marc
Ayrault. De façon péremptoire, le Quai d’Orsay répond au Bénin en ces termes :
« Les biens que vous évoquez ont été intégrés de longue date, parfois
depuis plus d'un siècle, au domaine public mobilier de l'État français.
Conformément à la législation en vigueur, ils sont soumis aux principes
d'inaliénabilité, d'imprescriptibilité et d'insaisissabilité. En conséquence,
leur restitution n'est pas possible ». Et puis il fait le procès au Bénin
de ne toujours pas ratifier la Convention qui encadre « les mesures à
prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le
transfert de propriété illicites de biens culturels, mise en application
en 1997 ».
La réplique du Bénin
Face à cette réponse cinglante du
Quai d'Orsay, le Bénin n’abdique guère. Mais le pays prend la précaution
de tempérer ses ardeurs. A la faveur du Conseil des Ministres du 8 mars 2017,
le Ministre d’Etat, secrétaire général à la
Présidence de la République du Bénin, Pascal Irénée Koupaki
annonce l’autorisation d’une rencontre entre les autorités béninoises et
françaises pour mieux peaufiner le processus de restitution. La voie de la
négociation venait ainsi d’être engagée. Le but étant, selon les précisions
données par Pascal Irénée Koupaki, d’offrir «l'occasion de poursuivre les
pourparlers afin de faciliter l'accès à ces objets emportés ». Cette mission diplomatique des autorités
béninoises a été effectuée sur la France. Dans une interview accordée au
Journal français Le Monde, par courriel, le ministre béninois en charge du
tourisme et de la culture, Ange N’Koué
ne donnera aucune explication claire sur les résultats de la rencontre
entre les autorités françaises et béninoises à ce sujet. A la question du
journal Le Monde, « Quelles
suites diplomatiques ou juridiques allez-vous donner à cette
affaire ? », le ministre répond sans autre commentaire :
« Comme l’a souhaité la partie française, nous sommes en
concertation ». Et depuis, plus rien ne filtre encore de ce dossier aux
contours bien problématiques.
Le Bénin
sous pression
La décision du gouvernement béninois a reçu une
adhésion populaire sans précédent. Sur l’initiative du Conseil représentatif
des associations noires (CRAN), des soutiens importants, au plan national et
international se démarquent en faveur du Bénin. C’est ainsi qu’est né un
Collectif des députés français et béninois soutenus par des rois béninois. Dans
sa publication du 30 mars 2017, Le Monde publie une Tribune de ces députés qui
rappellent : « qu’il existe en France une Commission scientifique
nationale des collections, dont la mission est justement de déclasser les objets soumis à son examen, en
vue d’une éventuelle restitution. Quand des objets du patrimoine ont été volés,
la Commission peut les déclasser en vue d’une restitution intégrale. Par
conséquent, ces biens qui ont été emportés par les armées coloniales peuvent être déclassés et restitués. ». Un
avis auquel s’associe Sindika Dokolo, le mécène et homme d’affaire
congolais, grand collectionneur d’art africain classique comme
contemporain. Sur son compte tweeter, il s’attaque vertement à la France et
considère sa réponse au gouvernement béninois comme une offense et une insulte.
Comme l’a relayé le magasine Jeune Afrique du 29 mars 2017, pour lui, en
effet, «s’abriter derrière la
législation en vigueur dans l’Hexagone pour empêcher le retour d’objets volés à
la fin du XIXe siècle est à la fois une offense et une insulte ». Et pour
mieux exprimer sa colère, toujours en soutien à la demande du Bénin, il a
annulé « le prêt de cinq œuvres
d’art classique de sa collection au Musée du Quai Branly, dans le cadre d’une
exposition à venir sur le Gabon », a indiqué Jeune Afrique. Une série de
soutiens qui contraint désormais le Bénin à poursuivre ce dossier quoique
difficile à concrétiser.
Donatien
GBAGUIDI
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