Pages

Pages

mercredi 2 novembre 2016

Théâtre/Spectacle: "Le collectionneur de vierges": Triste, et pourtant tout le monde en rit!



Bintou et Oumarou en action

Quatre (04) morts à la chute de la représentation. Une fin que personne n’a vu venir. Vu la trop forte dose de comédie que les comédiens ont su apporter à ce spectacle que le Festival international de théâtre du Bénin (Fitheb), version Xwé-Xi  (migratoire) a proposé ce vendredi 28 octobre 2016 à la population de Lokossa, sur l’esplanade de la Maison des jeunes. Un texte de l’écrivain béninois, Florent Couao-Zotti, mis en scène par Aristide Agbonagban. 




Les lumières de la régie illuminent le  plan scénique. Un plan scénique qui accueille Bintou, l’adolescente  de 15 ans en pleine crise de puberté, enceintée par Agbon, le pervers riche qui ne trouve son plaisir que dans la défloraison des vierges. Et puis  "Ya  Baké", la mère de Bintou, qui lâche l’intrigue de la représentation. Elle propose donc à sa fille de 15 ans, désormais enceinte, de se marier à Agbon, son bourreau, le vieux riche pervers, "Collectionneur de vierges", pour avoir une vie décente. Une idée que ne partage pas Bintou qui réplique aussitôt : « Je ne sais peut-être rien faire, mais je sais lire et écrire. Agbon  n’est pas mon avenir ». Et c’est parti pour 1 heure environ de rivalités de talents faites de jeux d’acteurs qui captent l’attention du spectateur jusqu’à la fin.

Un casting presque parfait !
 Pascaline Montin incarne Bintou dans la représentation. Un rôle qu’elle assume avec quelques imperfections au début du spectacle. Des imperfections dues à la logistique (recherche effrénée et ajustement du micro baladeur sous la pression d’un public qui veut tout entendre des comédiens) qui l’a quelque peu distraite. Mais elle s’est très vite remise dans le spectacle. Une reprise du contrôle du spectacle qui laisse entrevoir son talent à travers ses répliques  tant avec sa mère, son frère aîné, Oumarou, son promis traditionnel, Issa et son bourreau, Agbon. Ce pervers d’Agbon dont elle se dit finalement amoureuse avec à la clé, des séances de jambes en l’air dont elle vante les délices à qui veut l’entendre. Et pourtant, cet amour, elle n’en voulait pas du tout. Ce qui montre bien qu’elle traverse une crise d’adolescence aigüe  qui l’empêche de se stabiliser dans ses prises de décisions. Une adolescence qu’assume aussi sa taille modeste avec un visage qui respire jeunesse et innocence. Tout ce qui la conforte dans son rôle.
La forte dose de comédie dans ce spectacle doit principalement son droit de cité à deux comédiens. Il s’agit  de Radis Agbossaga et de Raymond Adjomaï qui incarnent respectivement les rôles de Oumarou, le frère de Bintou et d’Issa, le Togolais,  celui à qui la tradition a promis Bintou. Le 1er, Oumarou,  avec sa taille moyenne qui repose sur une corpulence effilée qu’il exploite avec des gestuels délicats, donne bien du plaisir au spectateur  de  l’écouter et  de  le suivre sans ennui.  Un génie qu’il amplifie davantage  par  son recours permanent à la langue  maternelle "fongbé", de son Abomey natale. Et ça, c’est une option du metteur en scène qui veut, selon ses propres termes : « Permettre à la population de mieux appréhender les messages de ce spectacle sensibilisateur, vu que la majorité d’entre elle est analphabète ».  Tout ceci rend digeste le spectacle avec la complicité d’Issa qui, de par sa taille peu généreuse qu’il exploite avec délicatesse par des gestuels bien maitrisés, des  propos comiques et dubitatifs, dévoile une personnalité peu confiante en elle-même. Et pourtant, il a été le seul rescapé de cette tragédie qui a fait quatre morts, dont un suicide, la mère de Bintou et d’Oumarou, qui n’a pu supporter la mort de ses enfants tués par balles, par Agbon. Lui aussi tué par  "Ya Baké" par balles pour venger sa progéniture.
Et en parlant de "Ya Baké", elle s’appelle Adèle Eyou à l’Etat-civil. Confrontée à un problème de diction et de maîtrise de texte, elle a su néanmoins assumer son rôle de mère versatile grâce à sa présence remarquable sur la scène.

Les contrastes de la représentation
Le 1er contraste de cette tragédie porte sur le choix du personnage Agbon. Dans tout le spectacle, il est présenté comme un vieux pervers, qui a un faible particulier pour les filles vierges. Mais sur la planche, on découvre le visage d’un Agbon qui respire encore la jeunesse. Un fait que même la  pipe qu’il tient dans sa bouche, pour paraître réellement un vieux, ne parvient pas à dissimuler. Son style vestimentaire (le port de la veste) renforce davantage ce contraste qu’il urge de corriger en maquillant ce personnage et en revoyant son costume pour l’adapter au texte.
Le second contraste de cette représentation,  c’est l’obstination farouche d’Oumarou à faire respecter la tradition. Une tradition qui  veut  qu’Issa, son ami personnel d’enfance, soit le mari de sa sœur Bintou, conformément à la volonté de son défunt père. Un père qui avait bénéficié, depuis la conception de Bintou, des libéralités de la part du père d’Issa à qui il avait  promis, avant de mourir, de donner en mariage, celle-ci à son enfant Issa. Là, on aurait pu imaginer une farouche opposition d’Oumarou. Car, étant jeune, il est difficilement concevable qu’il marque avec acharnement, son adhésion à cette tradition d’un passé révolu. Et ceci, au point de contraindre Agbon, de tuer lui et sa sœur (accidentellement), qui l’ont défié au nom de la tradition, en donnant en mariage, Bintou à Issa.
Revoir ces contrastes, mais aussi la régie,  permettra au metteur en scène de réduire au minimum, les attaques des critiques de théâtre. Surtout qu’il envisage de mettre en compétition, selon ses propres termes, le spectacle, "Le collectionneur de vierges"  à travers les différents festivals en Afrique et en Europe».  
Ces quelques observations faites, rendons hommage aux acteurs : perfectibles et talentueux. Et ce n’est pas le public de Lokossa qui le contredira, lui qui a veillé jusque tard dans la nuit pour suivre le dénouement de l’intrigue. Un public qui est reparti, conquis par une soirée riche en émotions. 


Donatien GBAGUIDI

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire